Dans l'actu

Don et société : une réflexion philosophique sur ce qui nous pousse à donner

today30 novembre 2024 9

Arrière-plan
share close

À l’occasion du centenaire de l’« Essai sur le don » de Marcel Mauss, deux philosophes explorent les multiples facettes du don dans notre société moderne. Entre désintéressement et reconnaissance, engagement social et quête de sens, le don reste au cœur des relations humaines malgré l’individualisme croissant.

Retrouvez l’intégralité du podcast de l’émission

Le don, bien plus qu’un simple geste de générosité

Le don n’est pas qu’un acte de générosité désintéressée. Comme l’explique Marcel Mauss dans son célèbre essai publié il y a cent ans, il implique trois obligations : donner, recevoir et rendre. « C’est ce système qui crée du lien social et de la solidarité », souligne Jean-Pierre Auby, ancien professeur de philosophie.

La triple dimension du don moderne

Le don se manifeste aujourd’hui sous trois formes principales :

  • Le don familial et éducatif : « On donne à ses enfants tout ce qu’on a de meilleur, sans certitude de retour, dans l’espoir qu’ils deviennent autonomes », explique Sylvain Portier, professeur de philosophie
  • Le don associatif : la vitalité du bénévolat témoigne d’une résistance à la logique marchande
  • Le don institutionnalisé : à travers les systèmes de solidarité sociale

Le défi de recevoir dans une société de performance

Dans un monde valorisant l’autonomie et la performance, recevoir devient paradoxalement plus difficile que donner. « Recevoir implique d’accepter sa vulnérabilité, sa finitude », analyse Sylvain Portier. Un apprentissage de l’humilité particulièrement difficile dans une société marquée par le culte de la réussite individuelle.

Donner du sens dans un monde désenchanté

Face à la « déferlante » de l’individualisme et du matérialisme, le don conserve une dimension subversive. Il maintient des espaces de gratuité et de lien social, que ce soit dans la sphère familiale ou associative. « Ces petits îlots de résistance sont peut-être notre chance de préserver notre humanité », suggère Sylvain Portier.

Le pari de la lucidité

Pour Jean-Pierre Auby, la question n’est pas tant de savoir si le don est totalement désintéressé, mais plutôt comment être un « donateur non désespéré ». Il propose une approche lucide, acceptant les questionnements sur l’utilité réelle du don tout en maintenant l’engagement. « Il faut faire confiance à son geste intérieur », conclut-il, citant Bergson.


Le don, qu’il soit de temps, d’argent ou d’attention, reste ainsi un puissant créateur de liens sociaux et de sens, même dans une société dominée par les logiques marchandes. Une invitation à repenser notre rapport à l’autre et au collectif.

Écrit par: Simon Marty

Rate it

0%