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La transmission de la mémoire de la Shoah : un défi renouvelé 80 ans après Auschwitz

today3 février 2025 8

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Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques découvraient l’horreur du camp d’Auschwitz. Quatre-vingts ans plus tard, alors que les derniers témoins directs s’éteignent peu à peu, la question de la transmission de cette mémoire aux nouvelles générations se pose avec une acuité particulière. Radio Fidélité a réuni trois personnalités pour explorer les nouveaux chemins de cette transmission essentielle : Jean-Serge Lorach, déporté à l’âge de quatre ans à Bergen-Belsen, Alban Perrin, responsable de la formation au Mémorial de la Shoah, et Riselaine Chapel, professeure d’histoire-géographie au lycée Carcouët de Nantes.

Quand le témoignage personnel rencontre l’Histoire

« Ne pas témoigner reviendrait à mourir », cette phrase de sa mère guide encore aujourd’hui Jean-Serge Lorach dans sa mission de transmission. Déporté enfant avec sa mère à Bergen-Belsen, il garde des souvenirs précis de cette période traumatique : l’arrestation par un gendarme allemand accompagné d’un gendarme français, le passage par Drancy, puis la survie dans le camp grâce aux rares colis envoyés par son père, prisonnier de guerre. Son témoignage, empreint d’émotion mais aussi de colère face à la montée actuelle de l’antisémitisme, illustre l’importance de la parole des survivants.

La pédagogie au service de la mémoire

« L’histoire prend une autre forme quand elle devient concrète pour les élèves », explique Riselaine Chapel. Son approche pédagogique innovante s’appuie sur l’histoire locale pour rendre tangible cette période historique. À Nantes, elle travaille avec ses élèves sur les rafles de juillet 1942, peu connues mais qui ont conduit à l’arrestation de 25 personnes, dont un lycéen de 16 ans. Cette démarche permet aux élèves de réaliser que la Shoah n’est pas qu’une histoire lointaine mais s’est aussi déroulée dans les rues qu’ils fréquentent quotidiennement.

Les nouveaux défis de la transmission

Le Mémorial de la Shoah adapte ses outils aux enjeux contemporains. « Soit on laisse le grand n’importe quoi régner sur les plateformes numériques, soit on décide d’investir ces nouveaux supports de communication », souligne Alban Perrin. Face à la prolifération des fausses informations sur les réseaux sociaux, le Mémorial développe des contenus numériques fiables et accessibles, notamment en collaboration avec des créateurs de contenus reconnus.

L’éducation comme rempart

La formation des enseignants constitue un pilier essentiel de cette transmission. Le Mémorial de la Shoah propose des formations approfondies sur l’histoire de la Shoah mais aussi sur les nouvelles formes d’antisémitisme. « Former des esprits critiques, voilà la seule chose qui peut nous sauver de la barbarie », insiste Alban Perrin. Cette approche permet aux enseignants d’aborder sereinement ces sujets sensibles avec leurs élèves et de les aider à développer leur esprit critique face aux informations qu’ils reçoivent.

Un travail de mémoire plutôt qu’un devoir de mémoire

« Je parle de travail de mémoire avec les élèves, pas de devoir de mémoire », précise Riselaine Chapel. Cette nuance importante souligne l’importance d’une approche active et réflexive plutôt qu’une simple injonction au souvenir. Ce travail passe par la recherche en archives, l’étude de documents historiques et la rencontre avec des témoins ou leurs descendants, permettant aux élèves de s’approprier cette histoire et d’en comprendre les enjeux contemporains.

En conclusion, quatre-vingts ans après la libération d’Auschwitz, la transmission de la mémoire de la Shoah reste un défi majeur qui nécessite de conjuguer témoignages directs, innovations pédagogiques et adaptation aux nouveaux modes de communication. Face à la montée de l’antisémitisme et à la prolifération des fausses informations, ce travail de mémoire apparaît plus que jamais comme un pilier essentiel de notre société démocratique.

« Si vous ne vous respectez pas vous-même, vous ne pouvez pas respecter et aimer l’autre », ce message de Jean-Serge Lorach aux jeunes générations résonne comme un appel à la vigilance et à la responsabilité de chacun dans la construction d’un avenir commun.

Image : By Michel Zacharz AKA Grippenn[1] – Own work, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1083901

Écrit par: Simon Marty

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