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« Alcool : La Révolution Silencieuse – Quand la France Réinvente son Rapport à la Boisson »

today20 janvier 2025 22

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Alcool : Quand la France Redéfinit son Rapport à la Boisson

La France et l’alcool, une histoire d’amour tumultueuse. Du bistrot de village au repas de famille, le verre a longtemps rythmé nos moments de convivialité. Mais quelque chose se joue dans notre rapport à la boisson. Des initiatives comme le Dry January gagnent en popularité, les ados repoussentleur première « cuite », tandis que les alternatives au vin et aux cocktails alcoolisés se multiplient. Notre culture de l’alcool est-elle en pleine mutation ? Vent de sobriété ou simple carence passagère ? Décryptage dans ce rendez-vous Fidélité au ton vif et à l’écoute avisée.

Prendrez-vous le verre ou pas ? Avant de trancher, (re)découvrez les divers aspects de ce débat qui ne finit pas d’animer nos cafés philosophiques… et nos salles à manger. L’émission est disponible juste en dessous, à siroter sans modération !

La révolution silencieuse

« On est vraiment dans un contexte de dénormalisation de notre rapport à l’alcool », introduit Nicolas Palierne, docteur en sociologie. Depuis les années soixante, la consommation d’alcool décroît de façon régulière en France. Un signal fort alors que l’alcool « reste quand même au cœur de nos pratiques sociales », poursuit le chercheur. L’inévitable retour des fêtes aidant, les occasions de trinquer semblent indéracinables. Pourtant, plus de 4 millions de Français ont participé au défi de janvier l’année dernière !

« Les repères changent », souligne Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool. Après la limite des deux verres par jour actée en 2017, l’expertise collective Inserm de 2021 remet en cause l’idée même d’une consommation modérée, avançant que « toute consommation comporte un risque pour la santé ». Un glissement conceptuel considérable.

« C’est nouveau, sourit Guylaine Benech, on voit de plus en plus d’ados assumer de dire ‘non, ça ne m’intéresse pas, je ne bois pas’ ». La consultante spécialiste des jeunes détaille : « Les taux de consommation restent élevés, mais on observe un retard des premières consommations ». Quand l’adolescence rimait avec petite bière et première cuite, la tendance se renverse ? « C’est un phénomène émergent », tempère-t-elle.

Le marketing sous le feu des critiques

Mais ces évolutions se heurtent à de farouches résistances. « Dès qu’on veut protéger la population, on nous oppose les méchants hygiénistes qui vont remettre en cause la filière viticole ! » s’agace Mickaël Naassila. Les lobbys semblent peser de tout leur poids pour museler la prévention. À commencer par le pouvoir politique : « Une ministre dit même qu’elle est la lobbyiste des alcooliers », dénonce le chercheur.

Guylaine Benech pointe du doigt « le matraquage publicitaire » autour de l’alcool, particulièrement problématique quand il cible les mineurs. Une stratégie à rebours du mouvement de dénormalisation souhaité par les acteurs de la prévention.

Jérôme Cuny, gérant de la toute première cave sans alcool en France, rebondit sur le sujet: « Contrairement au mois sans tabac soutenu par l’État, le mois sans alcool n’est toujours pas officiellement promu ». Il suggère « d’impliquer davantage les cavistes et distributeurs » pour relayer les efforts de prévention auprès des consommateurs.

 

La grande illusion de « la modération »

Exit les diktats moralisateurs. Tous s’accordent sur un constat : l’objectif n’est pas l’abstinence totale, mais une meilleure compréhension des enjeux liés à la consommation d’alcool. D’où l’importance de « démystifier cette notion floue de « modération » », insiste Guylaine Benech. Si le fameux « à consommer avec modération » représente le summum de l’euphémisme, les chiffres sont plus éloquents : dès le premier verre, le risque pour la santé augmente.

C’est bien là que résident les écueils du débat. Comme le rappelle Nicolas Palierne, l’alcool reste « un produit psychotrope, un produit cancérigène », mais aussi « un produit symbolique et culturel » enchâssé dans nos traditions. En filigrane se profile un double enjeu : (re)donner du sens au plaisir de la convivialité, tout en objectivant les risques réels de l’alcool ? Un équilibre délicat à trouver.

L’engouement autour du Dry January dissimule une tendance de fond : notre rapport à l’alcool se réinvente. Exit les certitudes, c’est l’heure des questionnements. Qu’est-ce qu’une consommation « raisonnable » ? Quelle place réserver au verre, au milieu des apéritifs dînatoires ou réunions de famille ? Autant d’interrogations que soulève cette émission vivifiante, à la croisée des données scientifiques, des évolutions sociétales et des aspirations individuelles. À consommer sans modération !

Mickaël Naassila : J’arrête de boire sans devenir chiant aux éditions Solar

Guylaine Benech : Sa première cuite – Manuel de prévention positive autour de l’alcool

Retrouvez l’intégralité de l’émission « Alcool : La Révolution Silencieuse » sur le site radiofidelite.fr à la page « Le Rendez-vous Fidélité » et sur les principales plateformes de podcast (Spotify, Apple Podcasts, Google Podcasts, etc).

Écrit par: Simon Marty

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