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Alors que 87 hôpitaux ont déclenché leur plan blanc cet hiver, les urgences hospitalières sont devenues le baromètre d’une crise sanitaire profonde. Dans ce nouveau rendez-vous de Radio Fidélité, Olivier Terrien, délégué CGT du CHU de Nantes, et Frédéric Bizard, économiste de la santé, ont dressé un constat sans concession. Engorgement, manque de lits, personnel épuisé… Les deux invités ont exploré les racines de cette situation alarmante, où le fonctionnement même des urgences interroge sur l’état de notre système de santé. Un mal qui appelle des solutions radicales, à commencer par une refonte de l’organisation territoriale et de la gouvernance. Mais approfondissons ensemble les échanges pour mieux cerner les enjeux…
> Vous êtes prêts ? Plongeons au cœur des échanges passionnants entre Olivier Terrien et Frédéric Bizard sur les défis des urgences hospitalières et leurs conséquences sur notre système de santé. Pour vivre cette expérience immersive, c’est très simple : appuyez sur le player audio ci-dessous.
La situation dans les services d’urgences est désormais ingérable, à en croire les témoignages glaçants d’Olivier Terrien : « À titre d’exemple, on a eu des personnes âgées avec des troubles cognitifs qui ont attendu plus de 92 heures sur un brancard avant de pouvoir monter dans un service ». Cette détresse n’est que le symptôme visible d’un engorgement généralisé. « Les urgences ne sont pas calibrées pour prendre en charge à la fois des patients relevant des soins intensifs et la gestion du flux », poursuit le délégué syndical.
Une réalité tragique qui n’est pas nouvelle selon Frédéric Bizard : « C’est le problème qui n’est pas l’intensité de l’épidémie de grippe, mais la crise profonde de l’hôpital public, elle-même inscrite dans la crise globale du système de santé. » Une crise systémique qui laisse poindre la menace d’une rupture d’égalité. « Si on ne fait rien, on va avoir une césure entre un système public concentré sur les classes populaires et moyennes, et un secteur privé premium réservé aux plus aisés », prédit l’économiste.
Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Frédéric Bizard pointe du doigt « un brouillard bureaucratique et technocratique très éloigné des réalités du terrain ». Un constat partagé par Olivier Terrien, qui dénonce les politiques menées ces dernières années : « On est parti sur une logique de tout ambulatoire sans prendre en compte le vieillissement de la population. »
Alors que les urgentistes quittent le navire et que les déserts médicaux se multiplient, la situation ne cesse d’empirer. Une spirale que résume crûment Frédéric Bizard : « On augmente les dépenses improductives avec l’intérim dispendieux, mais on ne rémunère pas mieux le personnel stable ». Un cercle vicieux d’une violence inouïe.
Face à ce sombre constat, nos deux invités ont chacun leur lecture sur les solutions à apporter. Pour Olivier Terrien, le nerf de la guerre reste avant tout les conditions de travail du personnel soignant. « Il faut faire baisser l’intensité du travail et revenir à des conditions dignes pour conserver les professionnels en place et rendre le métier attractif », insiste le représentant syndical.
Rejoignant ce constat, Frédéric Bizard appelle de ses vœux une revalorisation des « ressources stratégiques » que sont les ressources humaines et l’innovation technologique au sein des hôpitaux. « On a désindexé l’indice de la fonction publique pendant 7 ans dans les années 2010. On a fait perdre du pouvoir d’achat à ces métiers pourtant essentiels et pénibles. »
Mais au-delà des conditions de travail, l’économiste prône une refonte en profondeur du système : « Il faut créer un service public territorial de santé, avec 300 territoires de 200 000 habitants gérés par les soignants eux-mêmes. » Un premier pas vers la reconstruction d’un système universel et solidaire, loin de la « logique purement administrative et comptable » actuelle.
« Il faut redonner du pouvoir aux services, à ceux qui sont au plus près des patients », abonde Olivier Terrien. Et d’appeler à une nouvelle « démocratie sociale et sanitaire » où les usagers auraient voix au chapitre aux côtés des soignants.
Une exigence de proximité que porte également Frédéric Bizard : « On ne part pas de l’évaluation des besoins réels pour allouer les ressources, mais d’une logique budgétaire annuelle déconnectée du terrain. » Remettre l’humain au cœur du soin implique donc de revoir l’échelle et la gouvernance des structures.
Car n’en déplaise aux « postures idéologiques », l’enjeu est bien de réarticuler les forces vives, qu’elles soient publiques ou privées. « Notre système repose historiquement sur les deux. Il faut optimiser toutes les ressources à notre disposition », rappelle l’économiste.
Si le chemin des réformes à entreprendre semble tracé, nos deux intervenants s’accordent sur l’urgence à les mettre en œuvre. « Sans rien changer, on va droit dans le mur ! », alerte Olivier Terrien. « Si une nouvelle crise sanitaire survenait, il y aurait des morts, beaucoup de morts. »
Un constat que ne peut qu’appuyer Frédéric Bizard : « À cinq ans, on aura une césure entre un système public dégradé pour les classes populaires, un privé low-cost médiocre pour les classes moyennes, et un premium pour les plus aisés. » Bref, la fin du système universel et solidaire si cher aux Français.
Mais au-delà du secteur hospitalier, c’est l’attractivité et la productivité de la France toute entière qui sont en jeu selon l’économiste : « Un système de santé efficace, c’est une population en meilleure santé, donc plus productive. Et une espérance de vie en bonne santé allongée réduit la pression sur les âges de départ à la retraite. »
Une perspective d’urgence dans laquelle la rapidité de la mise en œuvre est la clé. « Si on a la volonté politique, l’essentiel d’une réforme pourrait être installé en un an », assure Frédéric Bizard.
Écrit par: Simon Marty