Des drames qui interrogent notre rapport à la route
Le tableau est sombre. Mercredi dernier, vers 22h30 à Saint-Père-en-Retz, un jeune homme de 22 ans perd le contrôle de son véhicule. Quelques jours auparavant, même commune, autre tragédie : un adolescent de 17 ans, titulaire de son permis depuis seulement quatre jours, tue un cycliste. En Vendée, une dame de 79 ans décède dans une collision avec un fourgon.
Ces accidents ne sont pas de simples faits divers qu’on oublie en tournant la page. Ils questionnent notre manière d’appréhender la sécurité routière, notre rapport à l’âge, à la responsabilité. Pourtant, au niveau national, les chiffres affichent une tendance plutôt encourageante : -4% de mortalité sur les cinq premiers mois de l’année. Alors pourquoi cette hécatombe locale ?
Les seniors, boucs émissaires ou vraies victimes ?
On entend souvent pointer du doigt les conducteurs âgés. Dans l’imaginaire collectif, mamie au volant égale danger public. Sauf que la réalité statistique raconte une tout autre histoire. Meryl Magnet, directrice de la prévention routière en Pays de la Loire, balaie cette idée reçue d’un revers de main : « Les seniors sont souvent victimes des accidents plus que responsables. »
C’est fascinant, non ? Les personnes âgées sont effectivement touchées par les accidents, mais elles ne les provoquent pas davantage que les autres. En dessous de 75 ans, elles n’ont pas plus de risque de causer des drames que les 15-45 ans. Même avec des capacités qui, naturellement, régressent avec l’âge – vision qui baisse, réflexes qui ralentissent.
L’explication ? Les seniors compensent. Ils roulent moins vite, adoptent une conduite plus prudente. Et comme la vitesse reste l’un des principaux facteurs de mortalité, rouler doucement limite les dégâts. Les pathologies et leurs traitements médicamenteux constituent le vrai risque. Mais ça, ça peut toucher n’importe qui, à n’importe quel âge. L’épilepsie, le diabète sévère, la dépression : ces maladies ne regardent pas la date de naissance.
Le permis à vie, c’est fini
L’Europe vient d’adopter une réforme majeure. D’ici trois ans, fini le permis à vie. Il faudra le renouveler tous les 15 ans pour les plus de 65 ans. Cette durée pourrait même être raccourcie avec des contrôles plus fréquents.
Meryl Magnet reste sceptique. « On est principalement sur du déclaratif », explique-t-elle. Pas vraiment de visite médicale approfondie, plutôt une démarche administrative. Donner un blanc-seing à quelqu’un pour 10 ou 15 ans alors qu’un problème d’alcool, une dépression ou une nouvelle pathologie peut survenir l’année suivante ? C’est un peu bancal comme système.
Pour elle, la vraie solution réside ailleurs : dans la prévention continue, tout au long de la vie. Pas seulement quand on atteint un âge arbitraire.
Les jeunes, ces dangers roulants
Revenons à cet adolescent de 17 ans qui avait obtenu son permis cinq jours plus tôt. Oui, depuis janvier dernier, on peut conduire dès 17 ans. Et statistiquement, ça pose question. Plus de conducteurs jeunes sur les routes, c’est mathématiquement plus d’accidents potentiels dans cette tranche d’âge.
Mais attention. La conduite accompagnée change la donne. Les jeunes qui passent par cette formation ont drastiquement moins d’accidents durant leurs cinq premières années de permis. Le problème ? Avec le permis accessible à 17 ans, certains zappent cette étape pourtant salvatrice.
« Si je devais conseiller les parents, je leur dirais : optez pour la conduite accompagnée », insiste Meryl Magnet. Oui, c’est coûteux. Oui, ça demande du temps. Mais ça sauve des vies.
Les comportements qui tuent
Les jeunes ne sont pas dangereux parce qu’ils ne connaissent pas le code de la route. Ils le sont à cause de leurs comportements. Vitesse, alcool, drogues, téléphone : le cocktail mortel reste identique pour tous les âges.
« Il n’y a pas de petits excès de vitesse », martèle la directrice de la prévention routière. Dépasser la limite autorisée réduit drastiquement les chances de survie en cas de collision. Que ce soit voiture contre voiture, voiture contre piéton ou voiture contre cycliste.
Et puis il y a ce nouveau fléau : le protoxyde d’azote. Ce gaz hilarant qu’on peut acheter n’importe où. Son effet euphorisant dure quelques minutes, mais il peut causer des lésions cérébrales graves, des paralysies. Le pire ? Même si les forces de l’ordre trouvent des cartouches lors d’un contrôle, elles ne peuvent pas vraiment agir. Le produit reste trop fugace pour être détecté dans l’organisme.
Quand la nuit devient un piège
L’hiver apporte son lot de risques spécifiques. Entre octobre et février, les Français ont raison d’avoir peur de conduire. C’est la période où les accidents se multiplient, principalement à cause de la baisse de luminosité.
Les conseils de Meryl Magnet sont simples mais essentiels. Pour les automobilistes : nettoyez vos phares, vos optiques, votre pare-brise. Ayez des chiffons pour la buée. Portez vos lunettes – 25% des personnes qui devraient en porter ne le font pas. Gardez une paire de rechange dans la voiture.
Pour les piétons, cyclistes et coureurs : soyez visibles. Un gilet réfléchissant, un brassard, des bandes réfléchissantes sur vos vêtements. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec des vêtements clairs, vous êtes visible à 50 mètres. En noir, entre 20 et 30 mètres. Avec un élément réfléchissant ? 150 mètres. La différence entre la vie et la mort.
La route, affaire de responsabilité collective
On peut multiplier les contrôles, durcir les lois, abaisser les limites de vitesse. Mais au final, tout repose sur la responsabilité individuelle. Celle de reconnaître qu’après quelques verres, même à vélo, on devient un danger. Celle d’admettre que ce traitement médical impacte peut-être nos capacités. Celle de ralentir quand la nuit tombe.
La prévention routière organise des ateliers gratuits, notamment au marché de Noël de Nantes. Des sessions « Lumière et vision » pour apprendre à bien voir et être vu. Des tests de connaissances du code de la route. Parce que la sensibilisation ne s’arrête jamais vraiment.