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L'invité(e) de la matinale

Journée internationale des droits humains : quel avenir ? avec Jean-Pierre Bellocq, relais régional d'Amnesty sur l'éducation aux droits humains

micRadio Fidélitétoday10 décembre 2025 9

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    Journée internationale des droits humains : quel avenir ? avec Jean-Pierre Bellocq, relais régional d'Amnesty sur l'éducation aux droits humains Radio Fidélité


Droits humains en 2024 : « Résister », le mot d’ordre d’Amnesty face à un monde qui vacille

Un constat qui fait froid dans le dos

Le rapport 2025 d’Amnesty International ne mâche pas ses mots : le monde est « au bord du précipice ». Difficile de contredire cette analyse quand on regarde autour de nous. Gaza sous les bombes. L’Ukraine qui s’enfonce dans une guerre interminable. Des voix étouffées, des libertés confisquées, des vies brisées par milliers.

« On constate une régression des droits humains partout dans le monde », confirme Jean-Pierre Bloque sans détour. Cette régression touche tous les continents, toutes les populations. Elle s’attaque aux droits civils et politiques – ceux qui ont historiquement fondé l’action d’Amnesty avec la défense des prisonniers politiques. Mais aussi aux droits économiques, sociaux et culturels. Le droit à l’eau, à la nourriture, à l’éducation. Tous ces droits qu’on croyait acquis et qui s’avèrent finalement fragiles.

Quand l’étendard de la liberté vacille

Le plus inquiétant dans tout ça ? La perte de repères. Les États-Unis, longtemps considérés comme un modèle en matière de libertés fondamentales, ne jouent plus ce rôle de référence. « C’était une sorte d’étendard de la liberté », explique Jean-Pierre. « Et maintenant, on entend de plus en plus d’États qui disent : puisque les États-Unis font ceci ou cela, pourquoi on ne ferait pas nous ? »

Cette défection crée un effet domino dangereux. Elle légitime les discours qui présentent les droits humains comme « un truc d’Occidentaux », une utopie théorique déconnectée des réalités. Un discours qui fait son chemin, malheureusement. Et qui permet à certains régimes de justifier l’injustifiable au nom de la différence culturelle, nationale ou ethnique.

Et la France dans tout ça ?

On pourrait se dire qu’ici, chez nous, on est à l’abri. Qu’on n’est « pas en Chine, pas en Égypte ». Certes. Mais Jean-Pierre Bloque nous ramène vite les pieds sur terre. La France n’échappe pas aux inquiétudes.

Le droit de manifester, par exemple. Un droit fondamental qui se trouve menacé. Comment ? Par la stigmatisation. L’utilisation du terme « éco-terrorisme » pour désigner des défenseurs de l’environnement n’est pas anodine. « Quand on entend terrorisme, c’est tout de suite connoté », souligne-t-il. Les assignations à résidence pour empêcher des organisateurs de rejoindre des manifestations se multiplient. Les techniques des forces de l’ordre effraient.

Résultat concret ? Les cortèges se vident de leurs familles. « Avant, on voyait beaucoup plus de familles qui défilaient. Maintenant, on entend des gens qui disent : j’ai peur pour les enfants. » Cette autocensure par la peur, c’est déjà une victoire pour ceux qui veulent museler la contestation.

Ces histoires qui nous rappellent notre vulnérabilité

L’affaire Jacques Paris et Cécile Colère a marqué les esprits à Nantes. Ce couple parti pour dix jours de tourisme en Iran, retenu otage pendant trois ans et demi. Une situation qui nous rappelle brutalement que personne n’est à l’abri. « Il y a des États assez nombreux dans lesquels je n’irais pas me promener », confie Jean-Pierre avec franchise.

L’Iran, mais pas seulement. Le Venezuela aussi pratique la prise d’otages d’État. Camilo Castro en a fait l’expérience. Et il n’est pas seul : 42 personnes de nationalités différentes sont actuellement dans la même situation. Des chiffres qui donnent le vertige et qui nous rappellent qu’il faut rester prudent, même en tant que simple touriste.

Alors, on fait quoi ? On baisse les bras ?

Certainement pas. « On agit », martèle Jean-Pierre. C’est d’ailleurs le premier remède contre le sentiment d’impuissance. Amnesty International déploie plusieurs modes d’action, à commencer par le plaidoyer. Des professionnels interviennent auprès des États, des ministères, des ambassades. En France, ils auditionnent députés et élus.

Un détail révélateur : de plus en plus d’ambassadeurs français viennent consulter Amnesty avant leur prise de poste à l’étranger. Ils veulent comprendre la situation des droits humains dans leur pays d’affectation. « Une grande fierté », selon Jean-Pierre.

Les petites gouttes qui font les grandes rivières

Mais l’action ne se limite pas aux salariés de l’organisation. Les bénévoles jouent un rôle crucial. À Nantes, à Saint-Nazaire, comme ailleurs, ils agissent « avec leurs petites mains ». Plusieurs fois par mois, chacun envoie des mails, des courriers. Pour un défenseur de l’environnement au Nicaragua. Une journaliste en Tunisie. Un avocat au Myanmar.

« C’est une petite goutte d’eau », reconnaît Jean-Pierre. Mais ces gouttes s’additionnent. Les pétitions rassemblent des dizaines, parfois des centaines de milliers de signatures. Dix millions de personnes mobilisées dans 80 pays, ça pèse. Ça fait pression sur les autorités.

Des résultats concrets qui redonnent espoir

L’efficacité de ces actions ? Entre 30 et 40% de réussite selon les années. Un tiers des personnes ou groupes défendus obtiennent gain de cause. « Ce qui est très satisfaisant », estime Jean-Pierre. Et pour cause : derrière ces statistiques, il y a des vies sauvées, des prisonniers libérés, des situations débloquées.

Le principe est simple mais puissant : faire savoir aux autorités qu’on sait. Que leurs actions ne restent pas dans l’ombre. Que des milliers de personnes à travers le monde les observent et les dénoncent. Cette pression internationale, même si elle ne marche pas à tous les coups, porte ses fruits plus souvent qu’on ne le croit.

Un rendez-vous à ne pas manquer

Samedi 14 décembre, de 11 heures à 18 heures, l’équipe d’Amnesty Sud Loire tiendra un stand en haut des marches de l’espace Jacques Demy à Nantes. Un stand un peu particulier puisqu’il défendra neuf situations différentes en même temps. Neuf personnes ou groupes de personnes qui ont besoin de soutien.

Parmi eux, des défenseurs de l’environnement au Cambodge. Ils ont écopé de six à huit ans de prison pour avoir obtenu l’interdiction d’un barrage hydroélectrique qui perturbait l’écosystème local. Leur crime ? Avoir défendu la nature. Sur le stand, vous trouverez leur histoire, leur situation. Et surtout, des pétitions à signer.

L’objectif ? Rassembler des centaines de milliers de signatures, parfois plus d’un million, pour chacune de ces personnes. Parce que c’est ça, la force du nombre. C’est ça qui transforme l’indignation individuelle en pression collective.

L’action commence chez soi

René Cassin, juriste français et rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le disait déjà : « Les droits de l’homme commencent dans les petits endroits tout près de chez soi. » Cette phrase prend tout son sens aujourd’hui.

On peut se sentir dépassé par l’ampleur des crises mondiales. Gaza, l’Ukraine, les dictatures, les prisons politiques… Tout ça nous semble lointain, hors de portée. Mais l’action locale a du sens. Elle crée un effet d’entraînement. Elle montre que la mobilisation citoyenne reste possible, efficace, nécessaire.

Chaque signature compte. Chaque mail envoyé pèse dans la balance. Chaque personne qui s’arrête sur un stand, qui s’informe, qui partage l’information, contribue à faire bouger les lignes. C’est moins spectaculaire qu’une révolution, mais c’est peut-être plus durable.

Résister, encore et toujours

Le mot d’ordre d’Amnesty International pour cette année – et sans doute pour les suivantes – tient en un verbe : résister. Résister face à la régression des droits. Résister face aux discours qui banalisent les atteintes aux libertés. Résister face au découragement et au sentiment d’impuissance.

Cette résistance passe par l’information. Par le rétablissement des faits, souvent travestis ou déformés. Par la dénonciation des abus. Mais aussi par l’action concrète, celle qui transforme l’indignation en mobilisation.

Dix millions de personnes dans le monde ont fait ce choix. Elles ont décidé de ne pas rester spectatrices. De ne pas accepter que les droits humains deviennent une option, un luxe réservé à quelques privilégiés. Elles ont compris que la liberté se défend au quotidien, par petites touches, par actions répétées.


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