Non classé

Les Mondiales débarquent à Nantes : quand le monde s’invite au Lieu Unique

today28 novembre 2025 2

Arrière-plan
share close

Un festival pour reprendre son souffle

On vit dans un drôle d’époque, non ? Entre les notifications qui pleuvent, les threads interminables et les breaking news qui se succèdent, difficile de prendre du recul. C’est précisément ce que proposent les Mondiales : un moment où l’on pose son smartphone pour écouter, échanger, comprendre. « C’est notre rôle de lieu culturel que d’apporter un moment où on se rassemble collectivement », explique Élie Commins avec cette conviction tranquille qui caractérise ceux qui croient vraiment en leur projet.

Le concept ? Une chronique vivante de l’actualité internationale. Pas de hot takes ni de réactions à chaud, mais des « paroles de chercheurs qui viennent de toutes les disciplines », des pensées nuancées qui prennent le temps de se déployer. Dans un monde où tout va vite – trop vite ? – cette proposition détonne.

Quand AOC rencontre le Lieu Unique

Ce partenariat avec AOC, la revue en ligne qui fait la part belle aux textes longs et à l’analyse fouillée, Élie Commins l’avait en tête depuis son arrivée. « Une collègue a ressorti mon projet, elle m’a dit : tu sais, c’était dans ton projet », raconte-t-il avec un sourire dans la voix. Comme quoi, certaines idées germent longtemps avant de voir le jour.

Pourquoi AOC ? Parce que cette revue quotidienne propose justement « un autre rythme que les séquences ultra rapides des réseaux sociaux et des médias mainstream ». Des textes signés par des chercheurs, des artistes, des critiques. Une respiration éditoriale qui colle parfaitement avec l’ADN du Lieu Unique.

Et puis il y a cette histoire avec le public nantais. Les habitués se souviennent des Géopolitiques, cet ancien rendez-vous qui avait tissé des liens forts autour des questions internationales. Les Mondiales, c’est une nouvelle page qui s’ouvre. « C’est absolument totalement différent », insiste le directeur. D’autres intervenants, d’autres formats, d’autres idées. Une renaissance plutôt qu’une suite.

Léonora Miano pour ouvrir le bal

Le choix de Léonora Miano pour inaugurer le festival n’a rien d’anodin. Cette grande écrivaine, prix Goncourt des lycéens, incarne parfaitement l’esprit des Mondiales. « C’est un esprit profondément lié à diverses aires culturelles », souligne Élie Commins. Son intervention, intitulée « Français de souche coloniale », promet d’emblée de bousculer les perspectives occidentalo-centrées.

« C’est une figure intellectuelle et littéraire vraiment très importante », poursuit-il. Et c’est vrai qu’elle parle à toutes les générations, cette femme qui interroge notre rapport à l’Afrique, à l’Europe, à l’histoire coloniale. Elle pose la question d’une « société post occidentale et post raciste » – rien que ça. Voilà qui donne le ton.

Des formats pour tous les goûts

Parce que tout le monde n’apprécie pas les choses de la même manière, les Mondiales jouent la carte de la diversité. Il y aura les grands formats en plénière – 550 personnes dans la salle, ces moments où l’on sent l’énergie collective. Et puis des rendez-vous plus intimes, « des conversations à bâton rompu » comme dit joliment Élie Commins.

Prenez par exemple cette séquence avec Zad Maj, directeur du programme des études du Moyen-Orient à l’université américaine de Paris. Il va nous présenter les dix livres qu’il emmènerait sur une île déserte. Dix ouvrages liés aux relations internationales, évidemment. Ce genre de format décalé qui permet d’entrer dans un sujet par la petite porte.

L’exposition sur les cartes, actuellement visible au Lieu Unique, servira aussi de point d’ancrage. Certains intervenants viendront y proposer « un regard décalé », utilisant les cartes comme prétexte pour développer leur propos. Malin, non ?

Une programmation qui ne fait pas semblant

Les noms qui composent l’affiche ne sont pas là pour faire joli. On parle de figures intellectuelles de premier plan. Anna Colin Lebedev sur l’Ukraine. Gilles Dorronsoro sur la guerre. François Héran sur les migrations. Alain Dieckhoff sur les radicalités religieuses. « C’est très important pour nous de maintenir ce niveau d’exigence », martèle le directeur.

Mais Élie Commins attend surtout les tables rondes transversales, celles qu’on voit moins dans la sphère médiatique classique. Les nouvelles géopolitiques de l’anthropocène, par exemple – comment les questions environnementales redessinent les rapports de force internationaux. Ou encore cette réflexion sur la place des big tech dans le monde contemporain. Des sujets qui dépassent l’actualité immédiate pour toucher aux transformations profondes de notre époque.

Le samedi à 11h15, une table ronde abordera les formes contemporaines de la guerre. L’objectif ? Tisser des liens entre les différentes zones de conflit actives aujourd’hui. Parce qu’au fond, ces guerres qui semblent dispersées aux quatre coins du globe ne sont-elles pas les symptômes d’une même fièvre mondiale ?

Accessible mais exigeant

Voilà le pari des Mondiales : rendre accessibles des sujets réputés ardus sans sacrifier la profondeur. « Il y a forcément cette idée d’accessibilité, mais avec une réelle exigence », résume Élie Commins. Pas question de vulgariser à outrance ou de simplifier jusqu’à la caricature. L’intelligence collective, ça se cultive.

Et puis il y a ce choix symbolique de la gratuité. Toute la programmation est en entrée libre. « C’est une manière d’inclure tout le monde et d’être ouvert à tout le monde », explique le directeur. Son conseil ? Arriver un peu tôt, parce que sans billetterie, c’est premier arrivé, premier servi. Mais en général, on trouve toujours un endroit où s’installer.

Et après ?

Les Mondiales reviendront-elles chaque année ? « C’est un peu tôt », concède Élie Commins avec franchise. Lui et Sylvain Bourmeau, le directeur d’AOC, n’ont pas encore eu le temps d’y réfléchir. « On a vraiment été dans la course pour terminer l’événement à temps. » D’abord faire, ensuite évaluer. Une approche pragmatique qui a du sens.

En attendant, ces deux journées de novembre promettent d’être riches. Quarante voix réunies pour parler des guerres, de l’essor de l’IA, du commerce mondial, de la circulation des idées et de la culture. De Donald Trump à Emmanuel Macron, en passant par toutes les zones grises du monde contemporain. Un tour d’horizon qui ne prétend pas tout expliquer mais qui offre des clés, des perspectives, des angles morts.

Écrit par: Clara Bert

Rate it