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Saint-Gabriel-sur-Maine : des projets pour réenchanter la foi !

today19 décembre 2025 104 13

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À Aigrefeuille-sur-Maine, la paroisse Saint-Gabriel mise sur les « maisonnées » pour réenchanter la foi

Dans le vignoble nantais et aux portes de la Vendée, la paroisse Saint-Gabriel-sur-Maine expérimente depuis plusieurs années une approche inédite de l’évangélisation. Fini les cours magistraux dans des salles paroissiales austères : ici, on accueille les futurs baptisés et mariés… autour d’un bon repas, chez l’habitant. Une révolution douce qui fait tomber les préjugés et ravive les communautés chrétiennes d’un territoire rural en pleine mutation.

Un curé venu de Châteaubriant avec une mission claire

Le père Jérôme Hamon se souvient encore de ce dimanche matin, à l’église de Châteaubriant. Il avait neuf ou dix ans. Le curé parlait aux enfants des vocations sacerdotales et pointait du doigt l’assemblée. « Quand quelqu’un montre du doigt, tout le monde se dit : c’est pour moi », sourit-il aujourd’hui. Cette intuition d’enfance ne l’a jamais vraiment quitté.

Ordonné prêtre en 2003 après une licence d’anglais à Rennes, Jérôme Hamon a d’abord fait ses armes dans les paroisses nantaises de Couëron, la Chapelle-sur-Erdre et Saint-Herblain. Puis direction Saint-Nazaire pendant cinq ans, où il s’occupe de la pastorale des jeunes. « J’étais jeune, ça aidait », glisse-t-il avec malice. Une expérience qui va façonner sa vision du ministère : comment rejoindre ces jeunes adultes qui semblent si loin du langage « chrétien-catho » ?

En 2013, premier poste de curé à Savenay. « J’attendais ça depuis dix ans, j’avais vraiment envie de prendre le gouvernail. » Construction d’une salle paroissiale, lancement d’un parcours Alpha, travail approfondi sur la préparation au baptême… Le père Jérôme ne ménage pas son énergie. Peut-être même un peu trop. « Au risque de se fatiguer, mais c’est un vrai bonheur. »

Sept clochers, un territoire qui respire encore au rythme des églises

2017. Jérôme Hamon arrive à Saint-Gabriel-sur-Maine. Sept communes, sept clochers : Aigrefeuille-sur-Maine, Le Bignon, Géneston, Montbert, La Planche, Remouillé et Vieillevigne. Un vaste territoire rural coincé entre la Maine et la Sèvre nantaise, où les vignes dessinent le paysage et où les clochers scandent encore – vraiment encore – la vie des communautés.

Véronique Hégron, coordinatrice pastorale paroissiale depuis huit ans, connaît chaque recoin de ce territoire étalé. Des communes de taille équivalente, entre 2 500 et 4 000 habitants. Pas de gros pôle urbain, mais une population plutôt jeune. « On est proche de Nantes, beaucoup de couples arrivent avec des enfants. » Le hic ? « Ça ne se voit pas forcément dans nos églises. »

Un constat que partage le père Jérôme. En huit ans, il a vu la pratique dominicale diminuer. De quoi se décourager ? Pas vraiment. « L’évolution, c’est surtout la collaboration des laïcs à la mission. » Inspiré par La Joie de l’Évangile du pape François, il a travaillé à « conscientiser les paroissiens à leur responsabilité de disciples missionnaires ».

Un vocabulaire qui peut sembler jargonneux, mais qui cache une réalité toute simple : que chacun prenne conscience qu’il a un rôle à jouer.

EFFATA : quand on ouvre sa porte plutôt qu’une salle paroissiale

L’insatisfaction, parfois, mène aux meilleures innovations. Le père Jérôme trouvait que les accompagnements proposés aux jeunes couples n’étaient « pas suffisamment personnalisés, pas assez proches ». Il voulait autre chose. Quelque chose qui ouvre vraiment les cœurs.

Avec Véronique et l’équipe d’animation pastorale, ils ont imaginé EFFATA – qui signifie « ouvre-toi » en araméen. Un parcours en trois soirées pour les couples qui demandent un baptême ou un mariage. La particularité ? Tout se passe chez l’habitant. Dans des « maisonnées », comme ils disent ici.

Lou Martellucci, membre de l’équipe d’animation, explique le concept. « Ce sont des paroissiens qui ouvrent leur maison à des personnes qu’ils ne connaissent pas forcément. » Un exercice pas toujours facile, elle l’admet. « On n’est pas détendu à l’intérieur. » Mais ça marche. « Les gens arrivent parfois dubitatifs. Qui sont ces inconnus qui nous invitent à dîner ? Qu’est-ce qu’on va se dire ? »

La première soirée désamorce tout. Un repas convivial, des échanges autour de la table. « Ils repartent agréablement surpris et ils ont envie de revenir. » Lou raconte même des groupes qui ont proposé d’organiser les soirées suivantes chez eux. « Ça crée des amitiés. » Et surtout, ça fait tomber les clichés. « Quand on dit ‘je suis catho’, les gens ont peur qu’on leur impose des choses. Là, ça désamorce tout. »

Deuxième soirée : qui est Jésus ? Troisième soirée : témoignage d’un paroissien sur son chemin de foi. « Des témoignages très touchants qui rejoignent les personnes invitées », souligne Lou. Pas de cours magistral, pas d’experts. Juste du partage, de l’écoute, de l’humain.

Une formation préalable pour ne pas improviser

Ouvrir sa maison, c’est une chose. Savoir animer un groupe, c’en est une autre. Avant chaque cycle EFFATA, le père Jérôme et Véronique organisent des réunions de formation. « On se rappelle les essentiels », explique Lou. « Animer un groupe, donner la parole librement, la distribuer équitablement, vérifier le temps… »

Car l’enjeu est de taille : permettre à des personnes qui n’ont « pas forcément l’habitude ou même l’espace pour parler de leur foi » de le faire en toute liberté. « Et nous, en tant qu’accompagnateurs, on se nourrit aussi de tout ce qu’on peut entendre. » Le compagnonnage » fonctionne dans les deux sens.

Les retours ? Unanimes. « On n’a pas eu de retour négatif jusqu’à présent », assure Lou. Les personnes les plus éloignées de la foi ressortent en disant : « Je ne m’attendais pas à ça. » Elle ajoute, malicieuse : « Moi je joue beaucoup sur l’humour. Quand ils arrivent, je dis : ‘Ah, vous ne savez pas ce qui vous attend !’ Je les fais un peu flipper. » « Et en général, ça se passe bien. »

Du parcours EFFATA au parcours Alpha : prolonger l’élan

Fort de cette expérience, la paroisse lance en janvier 2026 un parcours Alpha. Dix semaines de rencontres pour toute personne qui se questionne sur la foi chrétienne. « Ça peut être des personnes très éloignées, ça peut être des convaincus », précise Lou. « Il y a une vraie diversité. »

L’idée ? Que ceux qui ont vécu EFFATA aient envie de continuer. « Suite au parcours EFFATA, on souhaite que des personnes aillent un peu plus loin. » Même recette : repas, convivialité, échanges. Hier soir encore, une réunion préparatoire réunissait ceux qui vont accompagner et… préparer les repas. Car oui, il faut nourrir les corps avant de nourrir les âmes.

La chasse aux charismes : quand les bénévoles vieillissent

David Cabin, membre de l’équipe d’animation, ne mâche pas ses mots. « Nos paroissiens vieillissent, mais nos bénévoles vieillissent aussi. » Le défi est double : transmettre les savoir-faire – notamment pour l’accompagnement aux funérailles – et identifier de nouvelles forces vives pour des besoins nouveaux.

« On a beaucoup de jeunes qui viennent demander un sacrement, des catéchumènes adultes qui arrivent », explique-t-il. « Il a fallu mettre en place une équipe nouvelle pour faire face à ce besoin. » Comment repérer les charismes – ces dons particuliers dont parle saint Paul ? « C’est une vraie question », reconnaît David. « On a du mal à convaincre les gens qu’ils ont cette capacité. »

La solution ? Le témoignage. « Faire témoigner quelqu’un de son bénévolat à la lecture de l’évangile, c’est ce qui nous paraît le plus précieux pour convaincre de nouveaux paroissiens de s’engager. » Vous aussi, vous pouvez. Il faut juste oser.

Véronique insiste sur cet aspect missionnaire. « Ce qui nous occupe l’esprit, c’est que chacun se sente accueilli comme il est, là où il est. Et que tous les paroissiens prennent à cœur leur rôle de baptisé. » Pas seulement l’équipe d’animation. Chacun. « Qu’ils prennent conscience qu’ils ont un rôle à jouer dans la vie de la paroisse. »

Des petites attentions qui changent tout

Concrètement, ça donne quoi ? Des équipes d’accueil dans les églises. « Pour que les personnes qui viennent ne repartent pas sans avoir vu personne. » Des « cafés Théo » avant la messe dominicale, une fois par mois, pour échanger sur les textes. Des défis lancés pendant le carême : « Allez trouver quelqu’un que vous ne connaissez pas et prenez deux-trois minutes pour discuter avec lui. »

Cette année, relance de l’accueil des enfants au moment de l’évangile. « On avait laissé tomber depuis un certain temps. » Ça demande des animateurs, de l’organisation. Mais Véronique y tient. « Ça commence tout doucement. »

Un doyenné du vignoble qui carbure

Saint-Gabriel-sur-Maine ne vit pas en vase clos. La paroisse fait partie du doyenné du vignoble, avec Clisson, Le Loroux-Bottereau et Vallet. Le père Jérôme en est le doyen – une mission qui consiste d’abord à « prendre soin de ses confrères ».

Les curés se retrouvent tous les deux mois. « On a bien besoin de partager l’expérience, de dire ce qui va bien, ce qui va pas. » Et puis, on organise ensemble : journées du pardon, préparation à la confirmation des jeunes, formation pour les équipes d’accompagnement aux funérailles…

Trois années de suite, le doyenné a accueilli des reliques : sainte Thérèse de Lisieux, sainte Bernadette, saint Louis-Marie Grignion de Montfort. « C’est fabuleux, ça porte du fruit et ça nous oblige à travailler ensemble. »

En mars 2025, Monseigneur Percerou est venu visiter le doyenné. Il a parlé de « territoire dynamique et missionnaire » avec des « propositions originales ». Le mot qui a marqué le père Jérôme ? « Cohérence. » Quatre paroisses différentes – Clisson et Vallet sont de petites cités, Aigrefeuille et Le Loroux plus rurales – mais avec beaucoup de points communs. « Un doyenné cohérent », résume-t-il. « L’évêque parle de kaléidoscope pour le diocèse : des paroisses très variées, des sensibilités très variées, mais avec des points communs. »

Le silence de Zacharie en temps d’Avent

L’évangile du jour – Luc 1, 5-25 – raconte l’annonce à Zacharie de la naissance de Jean-Baptiste. Le prêtre doute. L’ange Gabriel le rend muet. Une punition ? Plutôt une invitation, pense le père Jérôme. « Un long moment de méditation, de prière. »

Il raconte qu’une jeune lui a confié avoir passé 24 heures en silence. « Ça m’a transformé », lui a-t-elle dit. « Tu vois, les vertus du silence. À la radio, c’est un peu plus compliqué », plaisante-t-il. « Mais de fait, à proximité de Noël, on est invité à entrer dans le silence, là où il y a tellement de bruit. » Tellement d’informations, souvent difficiles. Le silence comme antidote.

Ce qui le frappe aussi dans ce texte ? Gabriel qui donne son nom au moment même où Zacharie doute. « Attention, tu sais qui tu as devant toi ! Je suis celui qui annonce la bonne nouvelle de Dieu. » Gabriel, justement, patron de la paroisse. Un clin d’œil du calendrier liturgique.

Marie-Thérèse et le pôle solidarité : des veilleurs et des éveilleurs

Marie-Thérèse Picaud a longtemps coordonné le pôle solidarité de la paroisse. Elle insiste : « On n’est pas une association caritative de plus. » Le pôle travaille en complémentarité avec le Secours catholique, bien présent sur le territoire. « Nous avons reçu une mission de l’équipe d’animation : avoir un rôle de veilleur. »

Veilleur. Ou plutôt « éveilleur », corrige-t-elle. « Être attentif aux situations de précarité, d’isolement, à toute forme de pauvreté. Ouvrir les yeux, les oreilles. » Mais pas seulement observer. « Faire en sorte que ça devienne l’affaire du plus grand nombre. La solidarité, ce n’est pas l’affaire simplement des mouvements caritatifs. »

Le diocèse de Nantes parle de « réciprocité », de « faire avec et non pas seulement faire pour ». Concrètement ? « On est à l’écoute, mais on ne peut pas rester simplement à l’écoute. Il faut bien qu’on fasse quelque chose. » Des repas de Noël, des actions collectives pour « rejoindre les plus isolés ». La paroisse a aussi travaillé sur la question des migrants. « On mène une réflexion et puis des gens se mettent en route. »

Impossible de mener ces actions avec seulement quatre personnes, reconnaît Marie-Thérèse. « C’est à travers les actions que l’on a pu mener que des gens sont venus nous rejoindre. » Encore et toujours cette logique d’entraînement, de témoignage qui appelle au témoignage.

Un prêtre qui apprend de ses erreurs

En arrivant à Saint-Gabriel-sur-Maine, le père Jérôme avait déjà quatre ans d’expérience comme curé. « Je sentais qu’il fallait faire différemment parce qu’on apprend aussi de nos erreurs. » Il a pris le temps – un an – de réfléchir avec des paroissiens. « Quelle était ma vision ? Quels objectifs je voulais me donner ? Au fond, quel curé je voulais être pour cette paroisse-là ? »

Un temps nécessaire, estime-t-il. « Prendre le pouls, prendre son pouls et surtout se faire aider, conseiller. » Huit ans après, il voit une évolution. Pas forcément celle qu’on attendrait. « Il y a quand même une baisse des pratiquants du dimanche. » Mais ce n’est pas ce qui compte le plus à ses yeux. « L’évolution, c’est surtout la collaboration des laïcs à la mission. Conscientiser les paroissiens à leur responsabilité de disciples missionnaires. »

Véronique Hégron, qui l’accompagne depuis le début, confirme. « J’ai la chance d’avoir un curé très à l’écoute, très ouvert. » Ensemble, avec l’équipe d’animation, ils travaillent à ce que « chacun prenne conscience qu’il a un rôle à jouer ». Pas seulement l’équipe pastorale. Chacun.

Entre vignoble et clochers, une paroisse qui ose

À Saint-Gabriel-sur-Maine, on ne se contente pas de gérer l’existant. On invente, on teste, on ajuste. Les « maisonnées » d’EFATA, le parcours Alpha qui démarre, la chasse aux charismes, le pôle solidarité qui éveille les consciences… Autant d’initiatives qui dessinent une paroisse vivante, bousculée peut-être, mais résolument tournée vers l’avenir.

Le territoire rural n’est pas un handicap. C’est même un atout : des communautés à taille humaine, des liens qui se tissent plus facilement, une proximité qui permet l’audace. Ouvrir sa maison à des inconnus pour parler de foi ? Impensable il y a encore quelques années. Aujourd’hui, ça fonctionne. Les retours sont là.

Monseigneur Percerou a parlé de « cohérence » lors de sa visite. C’est peut-être le mot juste. Une cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. Entre l’Évangile et le quotidien. Entre les clochers qui sonnent et les cœurs qui s’ouvrent. Entre Gabriel qui annonce la bonne nouvelle et des paroissiens qui, à leur tour, osent annoncer.

Dans ce coin de vignoble nantais, entre Maine et Sèvre, les clochers ne sont pas que des vestiges patrimoniaux : ils rythment encore – vraiment – la vie d’une communauté qui a compris que pour évangéliser aujourd’hui, il faut d’abord ouvrir sa porte, partager un repas et écouter, vraiment écouter, là où chacun en est de son chemin.

Écrit par: Tiphaine Sellier

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