Radio Fidélité Ecoutez en direct votre radio chrétienne
Dans la petite commune de Guéméné-Penfao, une institution traverse les époques avec une énergie intacte. Le patronage Saint-Michel célèbre cette année ses 130 ans d’existence, et son histoire se confond avec celle de générations entières qui ont grandi dans ses murs.
Imaginez-vous un instant dans les années 1890. La France républicaine naissante, les débuts de l’industrie moderne, et déjà, dans cette commune bretonne aux traditions galaises, des visionnaires posent les premières pierres de ce qui deviendra une véritable institution locale. 130 ans plus tard, le patronage Saint-Michel n’a rien perdu de sa superbe.
Cette longévité exceptionnelle intrigue d’ailleurs Jacques Michel, élu bien connu dans la région, qui a accepté de plonger dans les archives pour retracer cette épopée. « Vous savez, quand on parle de 130 ans, on ne mesure pas toujours ce que ça représente », confie-t-il lors de l’émission matinale « Le tour des clochers » sur Radio Fidélité. « C’est quatre générations, deux guerres mondiales, des révolutions sociales… Et pourtant, cette maison continue de battre au rythme de la jeunesse. »
Comment expliquer cette pérennité ? Séverine Benoît Gironnière, qui coordonne aujourd’hui les activités du patronage, ne cache pas son enthousiasme face à ce défi quotidien. Pour elle, le secret réside dans cette capacité d’adaptation qui caractérise les institutions vraiment vivantes.
« Le patronage, c’est bien plus qu’un simple lieu d’activités », explique-t-elle. « C’est un écosystème qui a su évoluer avec son époque. » Aujourd’hui, les activités ne se contentent plus des traditionnels cours de catéchisme et matchs de football du dimanche. Les « belles initiatives » dont elle a la charge témoignent d’une créativité sans cesse renouvelée.
La modernité s’y exprime dans des projets qui auraient fait sourire les fondateurs : ateliers numériques, projets environnementaux, partenariats avec les établissements scolaires locaux. Pourtant, l’esprit demeure intact. Cette alchimie particulière entre tradition et innovation fait aujourd’hui du patronage Saint-Michel un modèle du genre.
Qu’est-ce qui fait courir ces bénévoles, génération après génération ? Le père Arnaud de Guibert, curé de l’ensemble paroissial Sainte-Anne-sur-Don et Vilaine, ne tarit pas d’éloges sur cette « belle initiative de la paroisse ». Pour lui, le patronage incarne parfaitement ces « deux axes prioritaires » qu’il défend : l’éducation des jeunes dans la foi et l’annonce de la bonne nouvelle dans le contexte rural.
« Hier encore, je passais dans neuf classes du collège avec l’animatrice en pastorale », raconte-t-il. « Ça m’a pris quasiment toute la journée. » Cette énergie déployée dans l’éducation trouve son prolongement naturel dans les activités du patronage.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : un projet éducatif global qui dépasse largement les murs de l’institution. Les soirées pour les jeunes, l’accompagnement des grands dans la préparation aux sacrements, la bénédiction des cartables en début d’année… Tout concourt à créer cette dynamique particulière qui fait la fierté de Guéméné-Pinfao.
Mais attention, cette réussite ne s’est pas construite sans obstacles. Les « grands moments » que Jacques Michel se propose de raconter ne sont pas tous roses. Il y a eu les années difficiles, les remises en question, les périodes où l’avenir semblait incertain.
« 130 ans, c’est aussi l’histoire de crises surmontées », nuance-t-il avec le recul de l’historien amateur. « Chaque époque a eu ses défis. Les nôtres ne sont pas moins importants. »
Les questions de financement, la baisse des vocations, l’évolution des attentes des familles… Le patronage d’aujourd’hui navigue dans un environnement radicalement différent de celui de ses origines. Et pourtant, il continue de prospérer.
Cette capacité de résilience s’appuie notamment sur un réseau de bénévoles d’une fidélité remarquable. Séverine Benoît Gironnière en sait quelque chose : « Certaines familles nous accompagnent depuis plusieurs générations. C’est ça, le vrai patrimoine du patronage. »
Dans ce territoire de 11 clochers que supervise le père de Guibert, le patronage Saint-Michel fait figure de laboratoire grandeur nature. « L’évêque m’a dit qu’il voulait faire ici comme un laboratoire de la mission en milieu rural », confie le prêtre. Cette mission s’incarne parfaitement dans l’expérience du patronage.
Car ce qui se joue ici dépasse largement le cadre paroissial. C’est toute une réflexion sur l’avenir des territoires ruraux qui se dessine. Comment maintenir du lien social ? Comment transmettre des valeurs ? Comment faire que les jeunes restent attachés à leur territoire ?
Le patronage Saint-Michel apporte sa pierre à ces questions essentielles. Par son histoire, il prouve qu’il est possible de conjuguer enracinement et ouverture, tradition et modernité. Une leçon précieuse à l’heure où beaucoup de territoires ruraux cherchent leur voie.
Cette réussite, Séverine Benoît Gironnière la doit aussi à cette « belle équipe » évoquée par le père de Guibert. Car le patronage ne fonctionne que par la mobilisation de tous : prêtres, laïcs, parents, grands-parents… Cette diversité des profils et des générations constitue sans doute l’un des secrets de sa longévité.
« Parfois vaut mieux être à deux », sourit le prêtre en évoquant cette coordinatrice paroissiale qu’ils assument « à deux cette mission ». Cette philosophie du partage traverse d’ailleurs toute l’organisation du patronage.
Les activités s’organisent selon ce principe de collaboration permanente. Les plus expérimentés transmettent leur savoir-faire, les plus jeunes apportent leurs idées neuves. Cette alchimie générationnelle crée une dynamique particulièrement féconde.
Au-delà des activités proprement dites, le patronage Saint-Michel incarne cette « mission d’évangélisation » chère au père de Guibert. Mais pas n’importe comment. Pas par la prédication, plutôt par l’exemple et le témoignage.
« L’évangile est vraiment fécond pour l’éducation des enfants et des jeunes », explique-t-il. Cette conviction se traduit dans l’approche pédagogique du patronage : bienveillance, respect de l’autre, sens du service… Des valeurs qui s’apprennent plus par l’expérience que par les discours.
Cette dimension éducative dépasse d’ailleurs largement le cadre religieux. Les familles de toutes sensibilités retrouvent dans le patronage cet environnement sécurisant où leurs enfants peuvent grandir sereinement. Cette ouverture explique en partie le succès durable de l’institution.
Alors, le patronage Saint-Michel a-t-il devant lui un avenir aussi brillant que son passé ? Jacques Michel se montre confiant : « Les défis évoluent, mais l’esprit demeure. Tant qu’il y aura des jeunes et des adultes prêts à s’engager, cette maison continuera de vivre. »
Séverine Benoît Gironnière partage cet optimisme mesuré. Pour elle, l’avenir se construit jour après jour, projet après projet. « Nous avons hérité de quelque chose de beau. Notre responsabilité, c’est de le transmettre enrichi aux générations suivantes. »
Cette perspective à long terme caractérise d’ailleurs l’esprit du patronage. Pas de vision court-termiste, mais cette patience de l’éducateur qui sait que les fruits mettront du temps à mûrir. Une sagesse que nos sociétés pressées auraient peut-être intérêt à redécouvrir.
Car c’est bien de patrimoine qu’il s’agit. Pas seulement celui des murs et des équipements, mais celui, plus précieux encore, des relations humaines et des savoir-faire. Ce patrimoine immatériel qui fait qu’une institution traverse les siècles sans prendre une ride.
Dans cette Bretagne aux « racines bretonnes » et aux « traditions galaises », le patronage Saint-Michel incarne cette capacité remarquable des territoires ruraux à préserver leur identité tout en s’adaptant au monde moderne. Une leçon d’équilibre dont beaucoup pourraient s’inspirer.
130 ans donc, et l’aventure continue. Dans les couloirs de cette vénérable institution, les rires des enfants résonnent avec la même insouciance qu’à l’époque des fondateurs. Le temps a passé, les méthodes ont évolué, mais l’essentiel demeure : cette volonté inébranlable de faire grandir les jeunes générations dans un environnement bienveillant et stimulant.
Une belle leçon de pérennité, qui nous rappelle que les plus beaux projets sont souvent les plus simples : rassembler des bonnes volontés autour d’un objectif commun, et laisser faire la magie du temps.
Écrit par: Simon Marty