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Au cœur de Nantes, entre la tour Bretagne et les bords de l’Erdre, une paroisse vibre d’une énergie particulière. Trois clochers, des dizaines d’initiatives, et une conviction : la foi se vit ensemble ou ne se vit pas. Bienvenue chez les Saints Évêques, où l’on évangélise en t-shirt orange, où les collégiens vivent en confrérie et où on adore le Saint Sacrement, parfois avant d’aller au bar !

L’histoire commence par un aveu désarmant. Le père Christian Gallois, curé des Saints Évêques depuis 2019, ne voulait pas entrer au séminaire. « J’avais plutôt dans la tête que le séminaire avait mauvaise presse à l’époque », confie-t-il sans détour. Pourtant, le désir était là depuis toujours. Depuis ses quatre ans, précisément, quand son parrain missionnaire en Afrique lui a transmis cette étincelle.
Né en 1955 à Guérande, Christian Gallois a pris son temps. Des études de philo à l’IPC à Paris d’abord. Puis un choix qui surprend : la vie communautaire à la Cotellerie, en Mayenne. Pas de séminaire classique, mais 35 ans passés comme chanoine régulier de Saint-Augustin. « La vie communautaire, ça permet de connaître très rapidement tous vos défauts », sourit-il. On imagine le tableau : des frères qu’on reconnaît au bruit de leurs pas, des repas partagés, une liturgie millimétrique.
Maître des novices, conseiller religieux des Guides d’Europe, formateur à Chevilly-la-Rue… Son parcours zigzague. Mais quelque chose manque. « Je voulais prêcher, je voulais parler à un peuple. » En 2012, retour à Nantes. Le séminaire finit par le rattraper, comme il le dit lui-même avec amusement. Vicaire à Saint-Félix, puis formateur au séminaire Saint-Jean. Le cercle se referme.
Imaginez la scène. Un samedi matin après la messe de 9 heures à Saint-Pasquier. Six à dix paroissiens enfilent un t-shirt orange fluo et partent deux par deux dans les rues du quartier. Leur mission ? Simplement demander aux passants : « Croyez-vous en Dieu ? »
Vincent de Grandmaison coordonne ces « samedis missionnaires » nés il y a une dizaine d’années. « Ça fait fuir les gens », reconnaît-il en riant. Mais pas tant que ça, finalement. Yassin, jeune cadre, est venu plusieurs fois à la messe après leur rencontre. Florent les a invités à prendre un café. « Les gens sont en recherche », observe Vincent.
Le protocole est rodé. Se présenter, expliquer la démarche, poser la question. Écouter. Vraiment écouter. Les intentions de prière s’accumulent – problèmes de famille, de santé, de travail. Parfois des choses plus lourdes. Tout est déposé ensuite devant le Saint-Sacrement à Saint-Pasquier.
Ce qui frappe Vincent ? L’énergie du retour. « Nous repartons avec une énergie souvent incroyable de ces sept heures passées. » Même quand on arrive fatigué, tracassé par ses propres soucis. Le paradoxe de l’évangélisation : on donne et on reçoit davantage.
Le noyau dur ? Des quadragénaires, quinquagénaires, sexagénaires. La jeunesse manque un peu à l’appel…
Marie-Alix Trochu est étudiante. Elle anime ce qu’on appelle ici « la confrérie » – le groupe des collégiens. Pourquoi ce nom ? « À vrai dire, je ne sais pas », avoue-t-elle franchement. C’est comme ça depuis toujours. Les collégiens ont leur confrérie, les lycéens leur fraternité.
Tous les vendredis soir, 30 jeunes débarquent à 19h15. Au programme : jeux pour se défouler après la semaine, dîner convivial, topo sur des thèmes variés (comment lire la Bible, vivre sa foi au collège), puis temps de partage en petits groupes. La soirée se termine dans la chapelle de Saint-Félix, en adoration.
Augustin et Mathieu, tous deux en troisième, sont là depuis trois ans. Qu’est-ce qui les fait revenir chaque semaine ? « Être entre amis pour approfondir sa foi », résume Augustin. « Les topos parce qu’on peut en apprendre plus sur la vie de Jésus », ajoute Mathieu. Et l’adoration : « Prier à plusieurs, c’est toujours plus facile que prier tout seul. »
Ils viennent de collèges différents. Se découvrent, deviennent amis. Une fois par an, ils partent en camp pendant le week-end de l’Ascension. Topos le matin, jeux l’après-midi, veillées le soir. Mathieu se souvient d’une adoration au bord de la plage, au coucher du soleil. « C’était magnifique. »
Marie-Alix espère leur offrir deux choses essentielles : « Rencontrer d’autres chrétiens, parce qu’un chrétien seul est un chrétien en danger. Et avoir un cœur à cœur avec Jésus. » Pour aimer, il faut connaître. La confrérie donne des clés.
À Saint-Pasquier, l’adoration ne s’arrête presque jamais. Du lundi 19 heures au vendredi 19 heures, quelqu’un est toujours là, devant l’eucharistie. 230 adorateurs se relaient, plus 40 remplaçants. Hervé Bardoul et son épouse coordonnent ce ballet silencieux depuis trois ans.
Mais avant d’évangéliser, il faut prier. D’abord 24 heures par semaine, puis 48, puis 96 en 2015 avec l’arrivée des missionnaires de l’Immaculée. L’engagement ? Une heure par semaine pendant l’année scolaire. Chaque relève commence par une prière commune. On ne débarque pas, on ne disparaît pas. On fait corps.
Tous les âges participent. Les enfants le mercredi après-midi avec les sœurs du Grand Fougeret. Les jeunes qui préparent leur confirmation. Le groupe « Adobar » – comprenez : adoration puis bar. Des jeunes couples qui se donnent rendez-vous devant le Saint-Sacrement avant de terminer la soirée autour d’un verre. Génial, non ?
Hervé cherche encore des adorateurs de nuit. Les créneaux difficiles. Ceux où il faut vraiment aimer le Seigneur pour sortir de son lit. Mais les fruits sont là. « Des gens qui s’ouvrent à la prière grâce à l’adoration », témoigne-t-il. Chacun prie à sa manière : louange, supplication, action de grâce, intercession.
Les intentions recueillies lors des samedis missionnaires ? Elles finissent dans une corbeille au pied de l’eucharistie. Les adorateurs les prennent, les portent. Le cercle se referme. La rue rejoint la chapelle.
« Un chrétien isolé est un chrétien perdu. » Le père Christian Gallois répète cette phrase comme un mantra. D’où son insistance sur les équipes fraternelles de foi. L’idée vient de monseigneur James, mais elle n’avait pas vraiment pris à l’époque. Père Christian l’a relancée.
Le principe ? Six à dix personnes se retrouvent une fois par mois, chez l’un d’entre eux. Une heure trente. Deux temps : d’abord partager une joie ou une peine récente. Puis méditer ensemble sur un texte de l’Évangile, préparé individuellement à l’avance.
Maxime Effray anime l’une de ces équipes. Son groupe a choisi de suivre l’Évangile selon saint Matthieu. « Ça fait du bien », résume-t-il simplement. « C’est vraiment très précieux. » Il a pris le relais d’anciens qui ont porté la paroisse pendant des décennies. Témoigner que la vie paroissiale, c’est l’affaire de tous.
Pour le père Gallois, c’est essentiel : « Des lieux où les chrétiens sont heureux ensemble. » Il imagine les apôtres avec Jésus. Il devait y avoir des frictions – forcément, dans tout groupe. Mais « ça devait faire sympathique d’être avec Jésus ». Voilà l’objectif.
Philippe Pinson tient à le dire : la paroisse participe à Hiver Solidaire. De décembre à mars, des SDF sont accueillis chaque soir. Un dîner, une présence, un toit pour la nuit. « On recherche des bénévoles, surtout pendant les fêtes », lance-t-il.
Ce qui le frappe ? La fraternité qui naît entre paroissiens des trois clochers qui ne se connaissaient pas. Et puis cette écoute discrète offerte à des gens qui en ont besoin. L’espoir qu’à la sortie de l’hiver, ils ne retrouvent pas la rue.
Une belle œuvre voulue par l’Église de France, qui se développe dans le diocèse. Le curé a proposé un local. Chaud, confortable. Le reste suit.
Frédéric Aubry est enfant du quartier. Il en connaît les moindres recoins. Les 35 000 habitants qui composent cette grosse paroisse urbaine – petite à l’échelle de certaines paroisses rurales aux vingt clochers.
Les contours ? De la tour Bretagne à la place Verne, du tramway au boulevard Stalingrad, jusqu’au bord de l’Erdre. Un territoire dense, vivant, où l’histoire affleure à chaque coin de rue.
L’église mère, c’est Saint-Similien. Puis sont venues Saint-Félix et Saint-Pasquier, chacune avec sa personnalité. « La grosse paroisse de Saint-Félix, la paroisse très fervente de Saint-Pasquier et la paroisse très accueillante de Saint-Similien », résume le père Christian. Trois caractères, un même élan.
Frédéric pourrait raconter pendant des heures. Le saint qui a vécu rue des Hauts-Pavés. La carrière du secteur. Le lieu d’exécution du général de Charette. Des pépites insoupçonnées pour qui sait lever les yeux.
À 8h15, Gaël Coulon prendra le relais pour présenter l’orgue baroque espagnol de Saint-Pasquier. Unique en Loire-Atlantique. Un choix audacieux, un style totalement absent jusqu’alors dans le département. Mais ça, c’est une autre histoire. Une histoire de tuyaux, de soufflets et de registres qui chantent la gloire de Dieu à la manière ibérique.
Trois clochers, une paroisse, et l’intuition qu’ensemble, on va plus loin – voilà le pari des Saints Évêques de Nantes, où la foi se vit en t-shirt orange, en adoration nocturne et autour d’un café…
Écrit par: Tiphaine Sellier
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