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Dans un moment de recueillement mondial, la Cité éternelle s’apprête à dire adieu au 266ème souverain pontife, tandis que l’Église catholique entame sa transition vers une nouvelle ère.
Entre émotion et protocole, le Vatican orchestre ces jours-ci une chorégraphie millénaire qui mènera à l’élection d’un nouveau pape. Depuis l’annonce de son décès lundi dernier à l’âge de 88 ans, une vague d’hommages déferle sur Rome, transformant la ville en épicentre spirituel d’un monde en deuil.
Avez-vous déjà ressenti cette étrange impression que le temps s’arrête lors des grands événements historiques ? C’est précisément ce que vivent actuellement les milliers de pèlerins qui convergent vers la basilique Saint-Pierre.
Depuis mercredi matin, un flot continu de fidèles, de curieux et de personnalités du monde entier défile devant le cercueil ouvert du pape François. Dans un silence à peine troublé par quelques prières murmurées, chacun peut apercevoir la dépouille du pontife, revêtue d’une mitre blanche et d’une chasuble rouge, ses mains jointes autour d’un chapelet.
« C’est comme si le cœur de l’Église battait ici, entre ces murs », confie Maria, une Italienne venue de Naples avec sa famille. « Nous ne pouvions pas manquer ce moment, même si l’attente est longue. »
Et quelle attente ! Les portes de la basilique restent ouvertes jusqu’à minuit ces jours-ci, permettant au plus grand nombre de rendre un dernier hommage au Saint-Père. Mercredi de 11h à minuit, jeudi de 7h à minuit, et vendredi de 7h à 19h – un marathon spirituel qui témoigne de l’attachement au premier pape latino-américain de l’histoire.
Les funérailles, prévues samedi à 10h place Saint-Pierre, s’annoncent comme un événement planétaire. Comment pourrait-il en être autrement pour celui qui a guidé spirituellement plus de 1,4 milliard de catholiques ?
Le protocole vaticain, rodé par des siècles de tradition, a déjà mis en branle sa machinerie. Les services de sécurité italiens prévoient l’arrivée d’au moins 200 000 personnes, sans compter les 170 délégations étrangères attendues.
Le gotha mondial sera présent : le président américain Donald Trump, le président français Emmanuel Macron, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, mais aussi le roi et la reine d’Espagne ainsi que le prince William. Un rassemblement qui nécessite un dispositif de sécurité exceptionnel, avec portiques et système anti-drones.
À l’issue de la cérémonie, le cercueil sera transféré à la basilique Sainte-Marie-Majeure dans le centre de Rome. C’est là, dans cette église dédiée à la Vierge Marie, que le pape François a souhaité reposer pour l’éternité, comme il l’avait exprimé dans son testament.
« C’est un choix qui lui ressemble », analyse Marco Politi, vaticaniste renommé. « François avait une dévotion particulière pour la Vierge, et cette basilique représentait pour lui un lieu de paix et de recueillement. Il s’y rendait souvent pour prier avant ou après ses voyages. »
Si la mort du pape a surpris le monde entier lundi à l’aube, les signes de sa fragilité étaient pourtant visibles ces dernières semaines. Hospitalisé le 14 février pour une bronchite, son état s’était rapidement détérioré, évoluant vers une sévère double pneumonie qui avait failli l’emporter à deux reprises.
Sorti de l’hôpital le 23 mars, il devait observer une période de convalescence stricte de deux mois. Mais fidèle à son caractère déterminé, François avait multiplié les apparitions publiques impromptues, semblant toutefois très affaibli lors de sa dernière apparition dimanche.
Selon le certificat de décès publié lundi soir, c’est finalement un accident vasculaire cérébral qui a emporté le pontife argentin. Une fin soudaine pour celui qui, malgré ses problèmes de santé récurrents, avait toujours refusé de ralentir le rythme de ses engagements.
Entre le décès du pape et l’élection de son successeur, l’Église catholique n’est pas pour autant sans gouvernail. C’est le cardinal camerlingue qui prend temporairement les rênes – un rôle actuellement occupé par le cardinal américano-irlandais Kevin Farrell, fidèle de François.
Ses pouvoirs sont néanmoins limités, essentiellement administratifs. Tous les hauts responsables du « gouvernement » de l’Église, la Curie romaine, doivent se démettre de leurs fonctions à la mort du pape, seul le camerlingue restant en poste.
« Le camerlingue devient en quelque sorte le gestionnaire de l’intérim », explique Jean-Marie Guénois, spécialiste des questions religieuses. « Il convoque les réunions de cardinaux, appelées ‘congrégations’, et décide avec elles des modalités des funérailles et du conclave. »
Une première congrégation s’est d’ailleurs réunie mardi pour fixer notamment la date des funérailles, et une autre réunion était prévue mercredi en fin d’après-midi.
La grande question qui agite maintenant les couloirs du Vatican concerne le conclave, cette assemblée secrète au cours de laquelle les cardinaux choisiront le prochain pape.
Sa date n’est pas encore connue avec précision, mais les règles vaticanes sont claires : il devrait débuter entre le 15e et le 20e jour après le décès du pape, soit entre le 5 et le 10 mai.
Les 135 cardinaux-électeurs – ceux âgés de moins de 80 ans – se réuniront alors dans la Chapelle Sixtine, sous les fresques de Michel-Ange. Ils procéderont à quatre scrutins quotidiens, deux le matin et deux l’après-midi, jusqu’à ce qu’un candidat obtienne la majorité requise des deux tiers.
Le rituel est immuable : après chaque double scrutin, les bulletins et les notes prises par les cardinaux sont brûlés dans un poêle par le camerlingue. La cheminée, visible depuis la place Saint-Pierre, émet une fumée noire si aucun pape n’a été élu, et une fumée blanche en cas d’élection – cette dernière étant obtenue par l’ajout de produits chimiques.
« C’est un moment d’une intensité extraordinaire », témoigne le père Thomas Reese, jésuite américain et observateur du Vatican. « Des millions de personnes à travers le monde guettent cette fumée, symbole de continuité dans une Église vieille de deux millénaires. »
Si après trois jours aucun pape n’est élu, le scrutin est interrompu pour une journée de prières. Puis d’autres séries de votes sont organisées jusqu’à l’élection effective du nouveau souverain pontife.
Alors que le monde catholique se prépare à tourner une page, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’héritage que laisse le pape François après plus de 12 ans de pontificat.
Premier pape jésuite et premier pape originaire des Amériques, il a marqué l’histoire par son style direct, sa simplicité et sa volonté de réformer l’institution. Son engagement pour les plus vulnérables, les migrants et l’environnement restera comme sa signature.
« Il a voulu une Église en sortie, proche des périphéries, moins préoccupée par elle-même que par sa mission auprès des hommes », résume un théologien proche du Vatican. « Ce sera sans doute la ligne directrice que les cardinaux auront à l’esprit au moment de choisir son successeur. »
En attendant, Rome se prépare à vivre des jours intenses. Les hôtels affichent complet, les rues autour du Vatican sont progressivement fermées à la circulation, et les écrans géants se multiplient dans la ville pour permettre à tous de suivre les funérailles.
Un adieu collectif à celui qui, jusqu’au bout, aura cherché à faire de l’Église catholique une « maison aux portes ouvertes », selon sa propre expression.
Crédit photo : VATICAN MEDIA Divisione Foto
Écrit par: Simon Marty