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À Saint-Gildas-des-Bois, entre Redon et Saint-Nazaire, une paroisse respire à nouveau, des jeunes se lèvent à l’aube pour chanter, un prêtre ancien directeur d’école multiplie les idées, et les paroissiens se donnent à fond ! Radio Fidélité y a posé ses micros un vendredi matin de novembre, et ce qu’on y a découvert donne envie d’y croire encore.
Pierre Biehler n’est pas un curé comme les autres. Ordonné en juin 2023 à 40 ans, cet ancien directeur de l’école Saint-Joseph d’Orvault a mis du temps avant de franchir le pas. Pourtant, l’appel remonte loin. Très loin même.
« Je me souviens précisément de l’endroit dans l’église Saint-Martin à Oudon. J’étais enfant de chœur, j’avais dix ans. Je me suis dit : quand je serai grand, je serai prêtre. » Simple comme bonjour, non ? Sauf que la vie, elle, prend rarement des chemins tout tracés.
Entre ce gamin qui rêvait de sacerdoce et l’homme qui franchit les portes du séminaire, il y a eu des années. Beaucoup d’années. Des engagements en paroisse comme organiste, comme responsable de la confirmation. Une carrière dans l’enseignement catholique. « Je n’aurais pas pu entrer au séminaire juste après le bac, » confie-t-il aujourd’hui. « J’étais trop réservé. Le Seigneur avait besoin de me façonner. »
Son parrain, directeur d’école lui aussi, a compté dans ce cheminement. « Je voyais comment il donnait confiance aux élèves. Ça m’a aidé à prendre confiance en moi. » Voilà peut-être la clé : ce prêtre-là sait ce que c’est que d’accompagner des jeunes dans leur croissance. Il l’a fait pendant des années derrière un bureau, avant de le faire depuis un autel.
Le 22 février 2016, Pierre Biehler annonce à ses collègues qu’il quitte son poste. Direction le séminaire. Rupture ? Pas vraiment. « Pour moi, c’est la continuité, » explique-t-il. « Comme directeur, ma mission était déjà auprès des enfants. Comme prêtre, ça continue à se déployer. »
Saint Jean Bosco, le patron des éducateurs, n’est jamais loin dans sa manière de voir les choses. « La confiance est la clé de tout. Il faut s’appuyer sur les points forts d’un enfant pour qu’il progresse. » Cette philosophie, il l’a emportée avec lui dans sa nouvelle vie. Et ça se voit.
Sa première messe à Oudon, le 1er juillet 2023, quelques jours après son ordination, reste gravée dans sa mémoire. « J’étais ému de célébrer dans le chœur où j’avais pensé être prêtre à dix ans. » Dans l’assemblée, beaucoup de visages connus. Des anciens élèves, des collègues, des gens parfois éloignés de l’Église. « On est étonné mais pas surpris, » avait résumé une de ses collègues. Belle formule.
Le 15 juillet 2023, Pierre Biehler découvre sa première affectation. Après la quatre-voies, passé Drefféac, un clocher typiquement breton se dessine. Saint-Gildas-des-Bois. Cinq clochers répartis sur quatre communes : Drefféac, Guenrouët, Notre-Dame-de-Grâce, Sévérac et Saint-Gildas-des-Bois. Le tout forme la paroisse Saint-Gildas-des-Sources.
Pourquoi « des Sources » ? Les petits ruisseaux du coin, bien sûr. Mais aussi cette belle image de la source de l’Esprit Saint qui irrigue les communautés. En 2002, lors de la création de cette nouvelle entité paroissiale, chaque communauté avait apporté de l’eau de sa commune pour les mélanger. Symbole d’unité qui parle encore aujourd’hui.
« Je me serais pas vu arriver dans une grande ville, » avoue le père Pierre. Lui qui a grandi en paroisse rurale s’y retrouve. « Il y a plein de personnes prêtes à s’engager. » Et un jardin autour du presbytère, détail qui compte pour ce prêtre qui aime jardiner et qui voit dans cet espace un lieu pour accueillir les jeunes.
Le vertige des premiers jours ? Forcément. « Une école, c’est structuré. On sait qui sont les enseignants, qui sont les élèves. Là, je découvrais tout. » Mais l’équipe pastorale était là pour l’accueillir. Sylvie Coquelin, coordinatrice pastorale bénévole depuis une dizaine d’années, se souvient : « On a essayé d’être présent à ses côtés, de l’aider à découvrir la paroisse. D’aider le bébé prêtre à faire ses premiers pas. »
Deux ans plus tard, le constat est là : quelque chose a changé. « On sent qu’elle revit, » témoigne Sylvie. « Il y a une nouvelle dynamique, de nouvelles familles, des jeunes. » Les chiffres parlent : onze jeunes de sept à quinze ans présents un vendredi matin à 7h30 pour chanter à la radio. Pas banal.
Soren, onze ans, fait partie du petit patronage lancé en février 2024. La devise ? « On joue, on prie, on mange ensemble. » Simple et efficace. Tous les mercredis, une dizaine de jeunes se retrouvent au presbytère. Au programme : jeux, temps de prière, repas partagé. Et des « exposés » sur des saints ou des sujets religieux que chacun prépare à tour de rôle.
Geneviève, ancienne enseignante à la retraite, a suivi une formation spécifique à Paris avec le père Pierre pour lancer ce patronage. « Mon papa m’avait parlé du patronage de son enfance, mais je ne savais pas comment ça fonctionnait aujourd’hui. » La formation auprès d’Esprit de Patronage, un incubateur lié au patronage parisien du Bon Conseil, leur a donné les clés.
Pourquoi ce retour en force du patronage dans les paroisses françaises ? « On a tous ce désir d’une vie fraternelle, d’une vie simple, » analyse le père Pierre. « Le patronage montre qu’être chrétien, ça colore toute la vie. » La maman de Théo, un des jeunes, a trouvé les mots justes : « Mon fils aime venir dans notre paroisse parce qu’il y a de la bienveillance. »
Lise, treize ans et demi, est servante d’autel et « servante responsable ». Elle guide les plus jeunes, leur apprend les gestes. « C’est un moment de retrouvailles en dehors du collège. On tisse des liens. » Amy et Adam, plus jeunes, expliquent ce qui les attire : « Servir Jésus, c’est important. Plus tu communies, plus tu te relies avec lui. »
Le problème – si on peut appeler ça un problème – c’est qu’ils sont trop nombreux. « Pendant la consécration, on n’a plus assez de place dans les marches, » sourit le père Pierre. Belle difficulté à gérer.
Les « dimanches ensemble » rassemblent toutes les générations une fois par mois. Avant la messe, les jeunes qui se préparent à la première communion se rencontrent, ceux de la confirmation prennent un petit-déjeuner. Pendant la liturgie, vingt-deux mamans prennent en charge les plus petits pour un temps de Parole adapté. Après la messe, verre de la fraternité et grand jeu du prisonnier sur la place de l’abbatiale.
Le vendredi soir, autre rendez-vous qui cartonne : les soirées JMP (Jeu, Messe, Pizza) lancées avec Anne-Emmanuelle Coquil, animatrice en pastorale du collège-lycée Gabriel Deshayes. Quarante jeunes à la messe un vendredi soir, c’est pas rien. Lise y a chanté lors de la dernière édition. « Sa voix nous a tous émus, » raconte le père Pierre.
Benjamin et Soren préparent leur profession de foi. Soren est aussi lecteur à la messe. « Est-ce que t’as peur de monter à l’ambon ? » – « Non, pas trop. » La formation ? Sa maman, essentiellement. « Prendre son temps, parler fort. » Et ça marche.
Adam confie qu’il « comprend mieux la messe depuis la première communion ». La liturgie avec le père Pierre ? « C’est pas trop long, ça va. » Compliment d’enfant, le plus sincère qui soit.
Gwenola Gaudin accompagne les premières communions, les catéchumènes et les confirmands. Sa méthode ? Pas de langage enfantin. « Je les prends comme des adultes. Un enfant est capable de recevoir le message évangélique avec l’Évangile, point. »
Ce qui compte pour elle : « Toucher le cœur. Leur montrer que Jésus est leur ami, leur meilleur ami qui sera toujours là. » Et faire du presbytère « un lieu de paix, un cocon, parce que la vie au collège n’est pas toujours facile ».
La récompense ? Ces sourires dans la rue quand elle croise ses anciens catéchisés. « On les voit fidèles à servir la messe. C’est la plus belle récompense. »
Sylvie Coquelin, qui jongle entre comptabilité, secrétariat et coordination pastorale, a choisi de rester bénévole. « C’est ma façon de servir l’Église et ma paroisse. Je donne de mon temps pour le Christ. » Dix ans qu’elle tient ces missions, par conviction profonde.
« Il paraît que vous avez cent vingt idées à la minute ? » La question fait sourire le père Pierre. « J’essaie, un peu comme un prof peut-être. » Créatif, il l’est. Mais pas seul. « Les frères et sœurs ici ont aussi pas mal d’idées. Parfois ils me freinent un peu. »
En juin 2024, onze séminaristes en formation à Nantes sont venus pour deux jours et demi de mission. Témoignages dans les écoles, repas au self du collège, foot sur la place. « Je me suis rendu compte que c’était possible de continuer. » Depuis, le père Pierre déjeune régulièrement avec les collégiens. « Pendant que les séminaristes jouaient au foot – c’est pas trop mon truc – j’ai continué à discuter. »
Son projet pour la paroisse ? « Être un homme de consolation, de bénédiction et de communion. » Trois mots qui résument sa vision du sacerdoce. « Faire communion, c’est précieux. J’essaie d’être à l’écoute de chacun. »
L’accent mis sur la fraternité porte ses fruits. « Une communauté accueillante, ça donne envie de la rejoindre. » Et les demandes de baptême arrivent. Récemment, un message du père Benoît, vicaire à Ancenis, l’a touché : une ancienne élève d’Orvault lui a demandé le baptême après avoir parlé de son ancien directeur devenu prêtre.
En 2026, l’abbatiale de Saint-Gildas fêtera ses cent ans. Un événement exceptionnel se prépare, porté notamment par Marie Roms et Anne-Emmanuelle Coquille. Sœur Monique Judic, de la congrégation des sœurs de Saint-Gildas, veille sur la mémoire du lieu. Cette abbaye fondée au VIe siècle par le moine breton Gildas a traversé les siècles. Les sœurs qui y ont enseigné ont marqué plusieurs générations, dont celle du père Pierre lui-même.
Les liens entre la ville et la paroisse restent forts. Le maire participe activement à la vie locale, conscient que cette communauté chrétienne fait partie de l’identité du territoire.
Pierre Biehler se définit comme « quelqu’un d’assez enraciné ». Originaire d’Oudon, il y est resté longtemps. Aujourd’hui à Saint-Gildas-des-Bois depuis deux ans seulement, il sent déjà les racines pousser. « J’ai l’impression de prendre racine, de me sentir de plus en plus à l’aise. »
Son parcours atypique – dix ans entre l’appel et le séminaire, une carrière dans l’éducation – fait sa force. Il connaît le monde des jeunes de l’intérieur. Il sait ce que c’est qu’un conseil d’école, une équipe pédagogique, des parents inquiets. Cette expérience nourrit son ministère.
Radio Fidélité, qu’il écoutait adolescent, fait partie de son histoire. « J’avais entendu une ordination à la radio. À la fin, un des prêtres avait dit : maintenant il y a de la place au séminaire. Ça résonnait en moi. » Sa grand-mère écoutait le chapelet tous les jours sur cette radio. Boucle bouclée ce matin de novembre où il accueille les micros de cette même station.
À Saint-Gildas-des-Bois, on ne parle pas de déclin mais de renaissance – une paroisse où les jeunes arrivent avant l’aube pour chanter, où les servants d’autel manquent de place dans le chœur, et où un ancien directeur d’école devenu prêtre prouve qu’il n’y a pas d’âge pour répondre à l’appel.
Écrit par: Tiphaine Sellier