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Tour des clochers : Père Arnaud de Guibert : du littoral aux clochers ruraux

today19 septembre 2025 222 4

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Quand la mission change de décor, les priorités se redessinent. Le père Arnaud de Guibert en sait quelque chose. Après neuf années passées sur la côte de Loire-Atlantique, ce prêtre de 52 ans a troqué les 14 messes dominicales estivales de Pornic contre les 11 clochers ruraux de Guémené-Penfao. Un sacré virage que ce changement de cap pastoral.

Du rythme effréné de la côte au tempo rural

Les transitions professionnelles marquent parfois une vie entière. Celle du père Arnaud de Guibert en fait partie. « À Pornic, c’était 20 000 habitants toute l’année, quatre messes le dimanche matin l’hiver et 14 l’été », confie-t-il lors de l’émission « Le Tour des clochers » de Radio Fidélité, animée par Tiphaine Sellier depuis Guémené-Penfao.

Le contraste frappe immédiatement. D’un côté, la frénésie estivale d’une station balnéaire où les célébrations se multiplient pour accueillir les vacanciers. De l’autre, la sérénité apparente d’un territoire rural étalé sur 11 clochers, où le rythme suit celui des saisons agricoles.

« Ici, c’est deux messes le dimanche matin toute l’année », précise le père de Guibert. Une différence qui pourrait laisser penser à une mission allégée. Il n’en est rien.

Quand la proximité redéfinit le ministère

Le défi, finalement, c’est ailleurs qu’il se niche. « Les choses reposent beaucoup plus sur le prêtre ici », explique le curé de l’ensemble paroissial Sainte-Anne-sur-Don-et-Vilaine. « Vous avez beaucoup moins de gens en responsabilité, prêts à assumer par exemple un nouveau catéchumène ou une fuite d’eau dans une église. »

Cette réalité frappe tout cadre dirigeant qui a déjà vécu une mutation géographique majeure. La gestion de proximité remplace la délégation. Les sollicitations directes se multiplient. « Comme c’est plus petit, les choses reviennent beaucoup plus vite au curé de la paroisse », analyse-t-il.

Une vérité que connaissent bien les managers qui passent d’une multinationale à une PME familiale. Les structures, les réflexes, les habitudes : tout change.

L’art de repositionner ses priorités

Cette transformation ne constitue pourtant aucune régression professionnelle. Au contraire. « Ce qui m’a plu, c’est que c’était un défi tout à fait différent », assume pleinement le père de Guibert.

L’homme a saisi l’occasion de redéfinir son approche pastorale. Fini le mode « gestion de flux » caractéristique des paroisses touristiques. Place à une stratégie sur mesure, pensée pour des communautés enracinées.

« Je pense que l’évangile est vraiment fécond pour l’éducation des enfants et des jeunes », martèle-t-il. Cette conviction guide désormais ses choix d’allocation de temps. Hier, il parcourait neuf classes du collège local avec l’animatrice en pastorale. « Ça m’a pris quasiment toute la journée. »

Le temps comme levier stratégique

Peu de professionnels osent être aussi francs sur leurs arbitrages temporels. « Toute l’énergie, tout le temps que je choisis de mettre là, bien sûr, je ne mets pas ailleurs », reconnaît-il. « C’est un gros levier de notre liberté de choisir où est-ce qu’on va passer du temps. »

Cette lucidité managériale impressionne. Le père de Guibert a identifié ses deux axes prioritaires : l’éducation des jeunes dans la foi et l’annonce de la bonne nouvelle dans ce contexte rural. Puis il y consacre ses ressources en conséquence.

Bénédiction des cartables dans les écoles primaires en début d’année. Organisation de soirées pour les jeunes. Interventions au collège. Développement du patronage. Chaque action découle d’une vision claire.

Le laboratoire de la nouvelle pastorale

L’évêque de Nantes ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Plutôt que d’envoyer le père de Guibert seul sur ce territoire, il a constitué une équipe mission. « Il voulait faire comme un laboratoire de la mission en milieu rural », révèle le principal intéressé.

Cette approche collaborative rompt avec l’image du prêtre isolé dans sa paroisse rurale. Le père Gaston, Capucine et Nathan Baudelet (couple en mission Isidore), Jean-Claude Lem (diacre permanent), une coordinatrice paroissiale : l’équipe se veut plurielle.

« On nous dit carte blanche pour nous vendre le projet », observe le curé. « On le sait bien, mais on trouve des gens en arrivant, on trouve des projets en arrivant. » L’intelligence situationnelle avant tout.

Entre innovation et tradition

Cette méthode porte ses fruits. L’été dernier, la consécration de l’autel de Plessé pour les 150 ans de l’église a marqué les esprits. « Une liturgie aussi déployée, ça dure quand même 2 heures », confie le père de Guibert. « Les gens ont été très touchés. »

L’événement illustre parfaitement l’équilibre recherché entre innovation pastorale et respect des traditions. « L’évêque a comparé cette consécration aux soins que les saintes femmes ont apportés au corps de Jésus », raconte-t-il. « Je pense qu’ils ne verront plus l’autel de la même manière maintenant. »

Les leçons d’une transition réussie

Quatre ans après son arrivée, le bilan s’avère positif. Le père de Guibert a su transformer ce qui aurait pu être perçu comme une « rétrogradation » géographique en opportunité d’expérimentation.

Sa méthode ? Écouter d’abord. « Comme disait le pape François, sentir l’odeur des brebis », cite-t-il. Puis initier des projets adaptés au terrain.

Cette approche bottom-up contraste avec les logiques descendantes parfois observées dans les grandes organisations. Ici, l’ancrage local prime sur les directives centralisées.

Vers un nouveau modèle rural ?

L’expérience de Guémené-Penfao pourrait-elle inspirer d’autres territoires ruraux ? Les ingrédients semblent réunis : une vision claire, une équipe soudée, un ancrage territorial fort.

« Osons, soyons audacieux et créatifs dans notre approche tout en restant unis dans notre mission », lance le père de Guibert. Cette philosophie dépasse largement le cadre ecclésial.

Car finalement, son parcours de Pornic à Guémené-Penfao raconte une histoire universelle : celle d’un professionnel qui a su transformer un changement d’environnement en opportunité de croissance. Un exemple inspirant pour tous les territoires ruraux.

L’équipe qui fait la différence

Le père de Guibert ne navigue cependant pas en solitaire dans cette aventure pastorale. L’équipe qui l’entoure mérite qu’on s’y attarde. Car c’est bien là que réside le secret de cette transition réussie.

« Ensemble, c’est ensemble que nous pouvons toucher des cœurs, apporter de l’espoir, faire entendre la voix de celui qui nous a appelés », confie-t-il. Cette conviction traverse toute son approche managériale.

Le père Gaston l’épaule au quotidien. Jean-Claude Lem, diacre permanent, assure la continuité sur Saint-Révin et Méréal-sur-Vilaine. Une coordinatrice paroissiale facilite l’organisation. « Parfois vaut mieux à deux », plaisante le curé principal.

Cette complémentarité permet d’éviter l’écueil du burn-out pastoral. Un risque bien réel quand on jongle entre 11 clochers et leurs spécificités respectives.

Le pari de la jeunesse

Le choix d’investir massivement sur la jeunesse révèle une vision à long terme remarquable. « En début d’année, on passe aussi dans les écoles primaires pour la bénédiction des cartables », détaille le père de Guibert.

Cette démarche pourrait sembler anecdotique. Pourtant, elle s’inscrit dans une stratégie cohérente d’implantation territoriale. Toucher les familles par les enfants. Créer du lien intergénérationnel. Inscrire l’Église dans le quotidien éducatif local.

Le patronage Saint-Michel, qui fête ses 130 ans, participe de cette même logique. Un héritage à valoriser, des traditions à transmettre, des valeurs à partager. L’histoire nourrit l’avenir.

Cette transformation réussie du père Arnaud de Guibert prouve qu’avec de la méthode, de l’écoute et une équipe solide, même les transitions les plus délicates peuvent devenir des opportunités. Entre Pornic et Guémené-Penfao, c’est finalement toute une conception du leadership qui se révèle.

Écrit par: Simon Marty

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