Conclave 2025

Guillaume Goubert : « Dans les coulisses du Vatican, le métier de journaliste est un exercice de décryptage »

today5 mai 2025 17

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Un univers codé à pénétrer

Guillaume Goubert, ancien correspondant à Rome pour le journal La Croix dont il a dirigé la rédaction, connaît bien les arcanes du Vatican. Interrogé sur Radio Fidélité depuis Rome, il livre les secrets d’un métier où le décryptage est un art nécessaire.

« On passe beaucoup de temps à chercher des contacts, ce qui n’est pas facile parce que la tradition au Vatican est d’être très discret, » confie-t-il. C’est un jeu d’équilibre entre persévérance et patience. Il faut « nouer des contacts, ça prend beaucoup de temps, ça implique des rendez-vous, des repas et repérer des personnes qui sont capables de vous expliquer ce qui se passe. »

Décoder le langage vatican

Le langage du Vatican est un univers à part. Goubert souligne l’importance de « décoder » entre guillemets ce langage particulier. « Il y a une part de documentation qui est très importante, » explique-t-il. « Il faut apprendre à lire le Vatican, qui est une manière particulière de s’exprimer. »

C’est un monde régi par des « règles, des codes » qu’il faut maîtriser pour espérer naviguer efficacement dans cette bureaucratie unique. « Une fois qu’on les connaît, on arrive quand même à repérer qui sont les bons interlocuteurs. Ensuite, ça ne veut pas forcément dire qu’ils acceptent de vous parler. »

La coopération internationale des journalistes

Face à ces défis, la solidarité entre correspondants devient essentielle. « Il y a une coopération entre journalistes de différentes nationalités, » révèle Goubert. Chaque journaliste a « un meilleur contact avec les membres du Vatican d’origine française ou d’origine allemande, et cetera. »

Cette entraide internationale est stratégique : « Souvent les correspondants entre nationalités coopèrent un peu parce que chacun a une part d’information et donc on partage une partie de nos informations. »

Le prisme français à dépasser

La couverture du Vatican exige de transcender ses propres préjugés nationaux. Goubert reconnaît que les Français ont été parfois surpris par certaines décisions, comme l’absence de François à la réouverture de Notre-Dame de Paris. « Est-ce qu’il faut accepter de se débarrasser de ce tropisme français ? » se demande-t-il.

La réponse est claire : « C’est une organisation très internationale, même si la culture italienne y est prédominante. » L’italien devient la langue commune, « l’équivalent de l’anglais dans les relations internationales. » Derrière les murs du Vatican, « on vit dans une ambiance multilingue, multiculturelle qui est assez passionnante. »

Les congrégations générales : un moment unique

Goubert a vécu de l’intérieur ces périodes de transition. Il décrit une atmosphère particulière : « Le secret n’y est pas aussi fort qu’au moment du conclave, mais néanmoins il est pas facile d’arriver à parler avec un cardinal en ce moment. »

Ces réunions, où les cardinaux « font un peu connaissance, » prennent une importance particulière dans ce conclave. « C’est un moment important ce temps des congrégations parce que c’est le temps où ils font un peu connaissance. » Pour Goubert, c’est crucial car beaucoup de cardinaux nommés par François viennent de lieux très éloignés et « ne connaissent très peu leurs confrères. »

Le portrait-robot du successeur

Quand la question du profil du futur pape est évoquée, Goubert est pragmatique : « Il y aurait pas mal de réponses différentes selon les interlocuteurs. » Son analyse se veut équilibrée : l’Église a besoin « de stabiliser un petit peu le fonctionnement du Saint-Siège lui-même à Rome. »

Mais attention à ne pas interpréter cela comme un retour conservateur. « Sans se refermer, sans retourner aux vieux usages, » précise-t-il, « il est nécessaire d’apprendre à vivre selon les règles promues par le pape François. »

Le défi sera de maintenir « la tonalité pastorale qui a été celle de François, cette capacité de s’adresser au plus grand nombre. » Pour Goubert, cela implique « un évêque qui a l’expérience du terrain et qui en même temps est capable de bien gouverner. »

Une transition entre expertise et gouvernance

Le témoignage de Guillaume Goubert illumine les défis du journalisme vatican. Entre observation fine et décryptage permanent, il faut jongler avec les codes d’une institution millénaire dans un contexte multiculturel. Son expérience nous rappelle que derrière les grandes décisions qui se jouent ces jours-ci, il y a tout un microcosme à comprendre et à décoder.

Pour ce spécialiste des arcanes vaticanes, le moment actuel est à la fois familier et unique. Comme il le résume avec son pragmatisme habituel : « Le successeur de François sera différent par son histoire, par sa personnalité, par sa sensibilité spirituelle… et c’est ainsi depuis qu’il y a des papes sur cette terre. »

Goubert sera de retour sur les ondes de Radio Fidélité « dans quelques jours » pour continuer à décrypter ce moment historique de l’élection du 267e successeur de Pierre.

Vivez le conclave en direct avec les équipes de Radio Fidélité :

Écrit par: Louise Rio

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